Collette, Sandrine « Animal » (2019)

Collette, Sandrine « Animal » (2019)

 

Auteur : Sandrine Collette passe un bac littéraire puis un master en philosophie et un doctorat en science politique. Elle devient chargée de cours à l’université de Nanterre, travaille à mi-temps comme consultante dans un bureau de conseil en ressources humaines et restaure des maisons en Champagne puis dans le Morvan.

Elle décide de composer une fiction et sur les conseils d’une amie, elle adresse son manuscrit aux éditions Denoël, décidées à relancer, après de longues années de silence, la collection « Sueurs froides », qui publia Boileau-Narcejac et Sébastien Japrisot. Il s’agit « Des nœuds d’acier », publié en 2013 et qui obtiendra le grand prix de littérature policière ainsi que le Prix littéraire des lycéens et apprentis de Bourgogne. Le roman raconte l’histoire d’un prisonnier libéré qui se retrouve piégé et enfermé par deux frères pour devenir leur esclave. En 2014, Sandrine Collette publie son second roman : « Un vent de cendres » (chez Denoël). Le roman commence par un tragique accident de voiture et se poursuit, des années plus tard, pendant les vendanges en Champagne. Le roman revisite le conte La Belle et la Bête. Pour la revue Lire, « les réussites successives Des nœuds d’acier et d’Un vent de cendres n’étaient donc pas un coup du hasard : Sandrine Collette est bel et bien devenue l’un des grands noms du thriller français. Une fois encore, elle montre son savoir-faire imparable dans « Six fourmis blanches »(2015). « Il reste la poussière » obtient le Prix Landerneau du polar 2016. En 2017, elle publie « Les Larmes noires sur la terre ». En 2018 elle sort « Juste après la vague ».  «Animal » sort en 2019, suivi de « Et toujours les forêts » (2020), « Ces orages-là » (2021), « On était des loups » (2022)

Denoël (Collection : Sueurs froides) – 07.03.2019 – 283 pages

Résumé : Dans l’obscurité dense de la forêt népalaise, Mara découvre deux très jeunes enfants ligotés à un arbre. Elle sait qu’elle ne devrait pas s’en mêler. Pourtant, elle les délivre, et fuit avec eux vers la grande ville où ils pourront se cacher. Vingt ans plus tard, dans une autre forêt, au milieu des volcans du Kamtchatka, débarque un groupe de chasseurs. Parmi eux, Lior, une Française. Comment cette jeune femme peut-elle être aussi exaltée par la chasse, voilà un mystère que son mari, qui l’adore, n’a jamais résolu.
Quand elle chasse, le regard de Lior tourne à l’étrange, son pas devient souple. Elle semble partie prenante de la nature, douée d’un flair affûté, dangereuse. Elle a quelque chose d’animal. Cette fois, guidés par un vieil homme à la parole rare, Lior et les autres sont lancés sur les traces d’un ours. Un ours qui les a repérés, bien sûr. Et qui va entraîner Lior bien au-delà de ses limites, la forçant à affronter enfin la vérité sur elle-même.

Mon avis : Régulièrement je lis les Sandrine Collette et régulièrement je n’accroche pas ! Mis à part le magnifique « Les Larmes noires sur la terre », c’est trop de violence pour moi… Poursuivre le mal jusqu’au bout du bout, plus loin, toujours plus loin… à la lisière de la folie, pas à dire… Ca coince… Trop d’horreur tue ma capacité d’apprécier… Chasse à l’ours ou chasse au tigre… nonnnnnnnn ! Il y a des scènes atroces dans ce livre. Et pas uniquement dans la description de l’appât… Et pourtant… J’ai bien ressenti par moments la vie de cette femme qui chasse … son passé… elle le traque comme elle va suivre la trace du gibier, aux aguets, tous les sens en alerte, pour essayer de conjurer ses premières années dont elle ne se souvient pas. Elle va aller au bout d’elle-même pour essayer de se retrouver.

La seule chose qui sauve un peu le côté chasse c’est l’attitude de l’ours qui joue avec son poursuivant/poursuivi ; le chasseur « manipulé » par sa proie et qui devient le chassé : bien évidemment que l’animalité ne soit pas dans les 4 pattes mais dans le 2 pattes., c’est pas un scoop. Mais je n’ai pas eu besoin d’attendre ce livre pour le savoir. Le pire prédateur est l’homme car il tue pour tuer et non pour se nourrir.

Ce livre est le cheminement de Lior pour retrouver son passé qui est pour le moins qu’on puisse dire bien occulté. Les descriptions sont saisissantes, tant des bidons-villes indiens que des scènes de safari-chasse.

Alors déception ? non… juste une confirmation de plus que cette autrice ne me convient pas… La partie Kamtchatka passe encore, mais alors la partie Népal qui suit, je n’ai pas du tout adhéré. Pour ce qui est du dénouement… dans le genre capillotracté…

Extraits :

Quand on rêve, on n’entend que ce qu’on veut.

le bonheur, personne n’en parlait, pour qu’il existe, il fallait que ça se voie

Il y avait le bidonville et sa pauvreté, la promiscuité, les journées trop dures, le travail harassant et la nourriture qui suffisait à peine ; mais juste à côté, il y avait l’abondance, les magasins remplis à ras bord, les parfums de cuisine et des milliers d’objets inconnus sur les étals des boutiquiers, les halls brillants des hôtels, les restaurants inabordables qui faisaient rire les touristes tant c’était bon marché, les moteurs des voitures rutilantes, les rues et les trottoirs immaculés où rien ne puait.

Il suivait les aînés comme on suit des dieux, capable de tenir le rythme de leur course, souffle coupé, la joie et l’idolâtrie dans les yeux, un jour il serait comme eux.

La couleur du sang sur l’herbe, sur la roche, sur la neige, c’était leur unique point de discorde, il n’en démordait pas, il n’y avait pas de poésie dans le sang qui coule – toute cette vie dedans, disait-elle – il répondait : tout est déjà mort.

Il avait décidé de faire table rase du passé, comme si rien n’avait existé avant eux deux.
Bien sûr que c’était faux. Mais il fallait vivre, à présent.

Ils partaient de la certitude que chacun comprenait ce qu’ils voulaient dire – et tous ils hochaient la tête d’un air entendu, bien sûr qu’ils saisissaient, qu’ils devinaient, qu’ils appréciaient d’un claquement de langue ou d’un petit rire, ils étaient du même monde, pour un week-end ou une semaine.

Ils parlent du maintien des effectifs, de l’équilibre des espèces. Vivent dans un monde de mensonges qu’ils se servent à eux-mêmes : ils sont là pour le sang et rien d’autre, pour ce geste que nulle part ils n’ont plus le droit de commettre entre eux, et dont ils rêvent tout éveillés – armer, viser, tuer. Tant pis si ce ne sont que des bêtes.

Menteurs, tous les deux, contre le monde entier. L’important, c’est tous les deux.

Ils ne le lâcheront pas. Ainsi sont-ils constitués, ces êtres qui avancent en plein jour sans jamais chercher à se dissimuler, ces prédateurs suprêmes. Comme il les craint, et comme il les hait.

Trop de fatigue. Tant pis, se dit-il. Ces moments où l’extrême épuisement rend tout le reste futile, même la peur de mourir.

Alors lui aussi, il accélère, parce qu’il craint la nuit. Ils ne connaissent pas, eux. Ni l’évanouissement du jour en quelques minutes, ni l’emprise d’une autre vie dès lors que l’obscurité s’est abattue sur la terre. Ici, les nuits sont noires.

Le silence, c’est la mort. Tout ce qui vit bruit, frissonne, miaule, craque, frôle, siffle, ronfle. Les cimetières, eux, sont peuplés de silence – et de chats qui ne disent rien.

La source est toujours dans l’enfance.
Un traumatisme.
Un peu de folie qui passait par là.

Elle surveille la fragilité qui s’estompe au-dedans d’elle. Elle sent la transformation comme si un second cœur lui poussait dans la poitrine, l’élan qui la gagne et la déborde.
Naître, tout simplement.
Mais pas comme la première fois : aujourd’hui, elle est immortelle.

Des parties de course derrière des gibiers qui ne demandent qu’à vivre, guidées par le seul désir du sang, puisqu’il n’y a rien d’autre.

En vérité, jamais elle n’avait eu aussi peur.

C’était d’ailleurs bien au-delà de la peur, là où il n’y a plus de mots. L’instant où les pensées s’effacent et où le cœur s’arrête. Une sorte de vide absolu, où l’on n’est plus tout à fait vivant et plus tout à fait un homme. Le moment où les gestes ne se font plus alors même qu’on les connaît depuis toujours, où les yeux voient sans qu’il se passe rien, parce que l’âme s’est mise en suspens. Un retrait de soi-même.

Cependant ils ont raison sur un point : le meilleur moyen de survivre au tigre, c’est de ne pas le rencontrer.

Des retrouvailles, on s’imagine toujours que cela va être formidable ; on se fait joli, on se fait des films, des rêves dans tous les sens. Et puis on se rend compte qu’on n’a rien à se dire, et quelque chose se froisse à l’intérieur, que rien n’arrivera à lisser à nouveau.

À sa façon – une nouvelle façon –, elle chasse.
Elle cherche le passé. Elle cherche un signe, un visage, un déclic.

Le destin, ça tourne dans n’importe quel sens.
Le destin, cela vous endort comme si tout allait bien – pour mieux vous surprendre ensuite.

La douleur de ne pas savoir.
Qui elle était, avant. Et avec qui.
Si seulement il y avait des photos. Si seulement il y avait la mémoire.

la compagnie des bêtes avait fait de lui une sorte d’animal humain, la solitude absolue avait fermé son cœur et abîmé sa tête.

Il a perçu cette extrême volatilité chez elle, comme un courant d’air que l’on voudrait prendre entre les mains pour le saisir ; vain espoir, quand il ne reste qu’un parfum ou le souvenir d’une étincelle au fond des yeux, quand l’autre n’est plus là, que l’horizon reste désespérément vide.

 

3 Replies to “Collette, Sandrine « Animal » (2019)”

  1. En totale osmose avec toi ! J’ai lu de Sandrine Colette : Juste après la vague qui m’avait beaucoup plu. Egalement : Les fourmis blanches qui m’avait happé dans le genre thriller. Mais là, alors là quelle déception.
    Ce que j’en ai retenu. Lior et Hadrien son compagnon partent faire un safari chasse à l’ours accompagnés d’un guide et autres passionnés de la chasse comme eux enfin devrais-je dire plutôt elle. Lior traque l’ours comme elle traque son passé amnésique qui la hante. Elle hume la moindre odeur, elle décrypte la moindre trace, elle se fond dans le paysage pour mieux surprendre, pour mieux tuer, elle est douée, elle est faite pour ça.
    Ce livre est un récit presque entièrement tourné sur la chasse, la traque de l’animal, la traque pour avoir le plaisir de tuer afin d’arborer fièrement Le Trophée. Ces descriptions pour cette soif d’une tuerie programmée m’ont repoussée. Pas une once d’empathie pour Lior et son personnage dans sa quête de passé, de son enfance.
    Nun et sa folie meurtrière, à nouveau, l’obsession des tigres. Tout ce récit m’a porté jusqu’au dénouement que j’aspirais être un déclic pour Lior. Et au final le pire a été la fin qui n’en est pas une car elle m’a laissé avec autant de questions que Lior a pu en avoir sur son passé. Rien n’est résolu, tout est là, posé à nos pieds avec le sentiment pour ma part d’avoir gâché de précieuses heures de lecture.

    1. ah que je suis contente de lire cela ! J’ai juste eu une once d’espoir à un moment quand Lior a semblé comprendre à quel point chasser était vain et destructeur après sa rencontre avec l’ours … et c’est reparti de plus belle …

  2. Moi aussi je pensais que déclic il y avait eu du fait que l’ours l’avait laissée en vie comme un magnifique avertissement que la bête sauvage ce n’était pas lui…

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