Ehsani, Ali «Ce soir on regardera les étoiles» (2018)

Ehsani, Ali «Ce soir on regardera les étoiles» (2018)

 

Auteur : Né à Kaboul en 1989, Ali Ehsani a dû fuir l’Afghanistan en 1998 après la mort de ses parents. Diplômé en droit, il vit en Italie où il s’investit auprès des écoles pour sensibiliser les élèves à la réalité du parcours des migrants.

Belfond – 01/02/2018 – 313 pages

Résumé : La guerre, c’est le quotidien d’Ali, huit ans. Les rues de Kaboul englouties sous les tirs de mortier, les terrains de foot improvisés au milieu des décombres, le petit garçon est habitué. Mais un soir, au retour de l’école, c’est sa maison qui a disparu et, avec elle, ses parents. Sans famille ni argent, Ali et son grand frère Mohammed prennent la route. Direction l’Iran, la Turquie, la Méditerranée, d’autres rives, à la recherche d’autres étoiles sous lesquelles trouver refuge.
Cinq ans plus tard, Ali est devenu un adolescent. Un gamin de treize ans cramponné au châssis d’un poids lourd en partance pour l’Italie. Un jeune homme épuisé, qui rassemble ses forces pour fuir toujours plus loin. Seul. Car Mohammed, son grand frère, son héros, s’est égaré en chemin… Qu’est-il arrivé ? Les deux garçons pourront-ils jamais tenir leur promesse d’être réunis, libres et heureux, sous les étoiles ?

Des bombardements de Kaboul aux mirages des côtes italiennes, la leçon de vie pleine d’humanité d’un enfant déterminé à faire bouger les frontières d’un monde à la dérive. Bouleversant.

Mon avis : Une fois de plus, après le livre de Pascal Manoukian « Les échoués », celui de Olivier Norek «Entre deux mondes», celui de Delphine Minoui «Les Passeurs de livres de Daraya – Une bibliothèque secrète en Syrie» , ce livre sur les ravages de la guerre et les conditions dans lesquelles les habitants de ces régions dévastées par la guerre tentent de résister ou de fuir au péril de leur vie dans l’espoir de vivre dans un monde meilleur est un coup au cœur. Merci à Corinne de me l’avoir signalé. Un livre digne, bouleversant, un cri d’espoir. Ceux qui voient les migrants comme des dangers potentiels devraient changer d’avis en lisant ce témoignage poignant. Au bout de la route… ils espèrent une nouvelle vie.

L’histoire d’un petit garçon qui se retrouve orphelin à 8 ans et va partir sur les routes avec son frère aîné. Un gamin qui va se trouver confronté à mille dangers mais qui va aussi être aidé par des inconnus. La liberté et l’envie d’aller à l’école : deux buts dans sa vie de petit garçon…  et l’importance capitale du mot avenir…

Juste un incontournable de plus, qui parle à notre sensibilité et nous rappelle que certains n’ont jamais connu la paix, jamais entendu de musique à la radio ….

Après Khaled Hosseini ( « Les Cerfs-volants de Kaboul », « Mille Soleils Splendides ») et   Atiq Rahimi  (« Syngué sabour – Pierre de patience » – «La ballade du calame»)   un autre coup de coeur pour un auteur afghan.

Extraits :

L’espace d’un instant, je me demande à quoi cela sert d’être heureux si on n’a plus personne avec qui le partager, mais ce n’est pas le moment d’être mélancolique, je suis à deux doigts de réussir, je n’ai pas droit à l’erreur, pas droit au moindre faux pas.

— Nous sommes comme les oiseaux, as-tu dit.
— Pourquoi ?
— Parce que les oiseaux volent là où ils veulent et nous, on va voler très loin.

Je pense à une phrase entendue autrefois : selon les talibans, l’Afghanistan appartient aux Pachtouns, et c’est tout ; les Tadjiks restent au Tadjikistan ; les Turkmènes au Turkménistan… et ainsi de suite, jusqu’aux derniers des derniers, les Hazaras, dont la place est au cimetière. Je n’ai encore jamais vu un taliban, et pourtant ça fait des années que j’en ai peur.

Je ne sais pas où nous allons, alors je recommence à me réfugier dans mes rêves.

Nous ne sommes pas riches, nous devons avoir une attitude exemplaire. C’est la seule façon pour que les gens nous respectent quand même.

Pendant ce temps retentit dans mes oreilles la musique d’une radio déglinguée : c’est la première fois que j’en vois une fonctionner de toute ma vie.

Ils désirent tout savoir ; nous apportons l’air du pays qui leur manque depuis tant d’années. Ils nous demandent si le bolani est toujours celui d’autrefois, si le coucher de soleil sur les montagnes devant Kaboul n’a pas changé, si les gamins jouent encore avec des cerfs-volants.

Tout à coup, j’ai envie de pleurer car je me rends compte qu’ils ont oublié le visage de leurs enfants ; cela fait des années qu’ils ne les ont pas vus et ils ne sont plus capables de les reconnaître au milieu d’un groupe d’enfants de leur âge.

— Ils ont besoin de courage, d’espoir, pas de vérité, m’as-tu expliqué sans que je comprenne ce que tu entendais par là.

ils ont l’air heureux.
— Ils ne le sont pas.
— Pourquoi ?
— Tu ne le comprends pas ?
— Non, je ne sais pas.
— Parce qu’ils n’ont pas d’avenir.

Bien sûr, réplique-t-il, mais comme quelqu’un qui ne se rappelle plus.
— Je veux dire, leur visage, leur voix, tu t’en souviens ?

Tu ne savais pas quoi me répondre : que dit-on à un enfant quand on n’est même pas capable de le protéger ?

ils ne sont pas méchants, mais ils sont tous résignés et quand on se résigne, c’est dangereux.
— Qu’est-ce que ça veut dire, « être résigné » ?
— Ça veut dire qu’ils ont oublié de voler de leurs propres ailes.

il n’y a pas d’espace pour une peine trop forte, chacun se soucie de lui-même, se demande seulement si et comment il y arrivera, tout seul.

C’est la première fois depuis plusieurs années, peut-être depuis que j’ai quitté l’école, que je prononce mon nom, et j’ai la sensation de me le réapproprier. De Kaboul au Pakistan, du Pakistan à l’Iran et ensuite en Turquie, j’ai toujours été dans l’illégalité, toujours sans papiers, sans personne pour me rappeler qui j’étais. Ce nom sonne bizarrement, même à mes oreilles, mais c’est le mien.

Je ne sais pas bien ce que cela veut dire, « arriver en Europe », je sais seulement que la Grèce ne donne pas de droits aux réfugiés politiques et que je ne pourrai jamais avoir un avenir ici, je serai toujours clandestin.

Les autres ne me demandent pas d’où je viens ni qui je suis, ici il n’y a de place que pour l’avenir ; nous avons laissé derrière nous un monceau de décombres, de peur et de douleur dont personne n’a envie de parler.

’il n’y a rien de plus semblable à l’espoir que la décision d’émigrer : espoir d’arriver dans un endroit meilleur, espoir de réussir, espoir de survivre, espoir de tenir bon, espoir d’un dénouement heureux, comme au cinéma. Il est normal que tout être humain cherche désespérément à améliorer sa condition et, dans certains cas, partir est le seul moyen d’y arriver.

Je lui raconte qu’en Afghanistan il y avait la guerre et que je croyais que c’était partout pareil parce que je n’avais jamais rien vu d’autre.

Devant moi passaient des tas d’images, quelques-unes noires, d’autres que j’avais fini par accepter, certaines belles, même.

Photo : Photo de Kaboul (cbs)  recadrée

(livre choisi pour le « challenge j’ai lu 2018 » ) : Un livre comportant une période de la journée dans le titre

 

One Reply to “Ehsani, Ali «Ce soir on regardera les étoiles» (2018)”

  1. Merci pour cette chronique Cathy !
    Je le rajoute à ma liste à lire.
    Et pour info, un nouveau Khaled Hosseini «  une prière à la mer «  sort en septembre.

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