Malzieu, Mathias «Maintenant qu’il fait tout le temps nuit sur toi» (2005)

Malzieu, Mathias «Maintenant qu’il fait tout le temps nuit sur toi» (2005)

Auteur : chanteur, musicien et écrivain français, né le 16 avril 1974 à Montpellier. Il est le chanteur du groupe de rock français Dionysos. Il a écrit : 38 mini westerns (avec des fantômes), (Pimientos, 2003) – Maintenant qu’il fait tout le temps nuit sur toi, (Flammarion, 2005) – La Mécanique du cœur, (Flammarion, 2007) – Métamorphose en bord de ciel (Flammarion, 2011)  – L’Homme Volcan, (Flammarion & Actialuna, 2011) – Le Plus Petit Baiser jamais recensé, (Flammarion, 2013) – Journal d’un vampire en pyjama, (Albin Michel, 2016) – Une sirène à Paris, (Albin Michel, 2019) – Le Dérèglement joyeux de la métrique amoureuse (Éditions de l’Iconoclaste, 2020) – Le guerrier de porcelaine, (Albin Michel, 2022)

Flammarion 3.03.2005 – 169 pages – J’ai lu – 3.10.2006 – 150 pages

(lu en 2010 et sur la base de mes notes de lecture)

Résumé : « Mathias, une trentaine d’années mais une âme d’enfant, vient de perdre sa mère. Sans le géant qu’il rencontre sur le parking de l’hôpital, que serait-il devenu ? Giant Jack, 4.50 mètres, « docteur en ombrologie », soigne les gens atteints de deuil. Il donne à son protégé une ombre, des livres, la capacité de vivre encore et de rêver malgré la douleur… Il le fera grandir.

Mathias Malzieu nous entraîne dans un monde onirique, intimiste et poignant, dans la lignée d’un Lewis Carroll ou d’un Tim Burton ».

Mon avis : petit livre fantastique, plein de poésie, d’amour, et qui permet de trouver un peu de lumière au milieu de la nuit… « Aime les choses ! Tu es vivant ! Et si tu es triste à mourir, c’est normal, assume-le. Mais ne te laisse pas aller va…Revendique-moi un peu ce cœur-là ! » Un petit livre qui fait pleurer, rire, sourire, qui aide à se sentir moins seul. Il nous prend par le cœur et nous tire vers le haut… Enfin je parle pour moi. J’aime l’univers de Malzieu, sa sensibilité, sa poésie, sa tendresse, sa folie…

Extraits:

– Il y a bien les souvenirs, mais quelqu’un les a électrifiés et connectés à nos cils, dès qu’on y pense on a les yeux qui brûlent.

– On fait semblant de marcher, on imite ce que nous étions avant, quand tu étais encore là.

– Alors on avait peur et mal. Mais c’était rien à côté du vide qui nous a explosé silencieusement à la gueule avec le petit « c’est fini » de l’infirmière. Tout le monde avait peur. Peur que tu partes. Et maintenant que tu es partie, on a encore plus peur.

– On garde tous nos cœurs plantés dans le ventre et dans la gorge. Sans bruit. On ne veut pas que tu entendes. C’est effroyable le bruit d’un cœur qui se casse.

– Le vide, c’est grand. À la sortie de l’hôpital, il nous attend. Il me fait peur pour toujours.

– Je suis mécaniquement vivant, puisque mes doigts bougent et que mes yeux clignent. Mais je suis rempli de vide.

– Se battre contre la mort ne veut pas dire aller la voir de près. La seule manière de tuer la mort, c’est de rester en vie. Reste tourné vers la vie.

– J’aime les livres qu’on peut mettre dans les poches, trimballer, aimer, prêter, corner, donner, racheter pour relire ses passages préférés. C’est un acte important pour moi d’échanger un livre qu’on aime…

– Le vide et son orchestre à silence se sont emparés de la maison. Je traîne un peu dans le couloir. Je sens les ombres de toute la maison. Chaque recoin est habité. Je préfère encore me promener parmi ces fantômes qu’aller me coucher. Je ne te reverrai plus jamais, et toi tu ne verras plus jamais rien. Mon corps refuse, ça cogne contre les parois.

– L’effet de l’assomnifère n’est pas radical, je glisse dans mon ombre jusqu’aux yeux, pour y voir bien noir même avec les yeux ouverts. Je crois que la mécanique de mes paupières est cassée, je ne peux plus les fermer. Les souvenirs surgissent, en boule.

– Les invités de l’enterrement avancent, penchés comme des fantômes d’arbres morts. Des gens qu’on aime sont là, ils ont l’air gêné, avec leur sac d’amour dans les bras. Ils veulent nous le donner sans nous encombrer. On sait pas quoi en foutre de tout cet amour dans les yeux des gens, des fleurs et des bondieuseries à la pelle

– On dirait un morceau de nuit perdu en plein jour. Il sent l’hiver. Pourtant sa présence réchauffe mon cœur. Il a l’air de pouvoir être encore plus triste que moi. Plus seul aussi, plus tout.

– Et qu’est-ce qui est arrivé à la fille cachée dans ton cœur ? — Elle n’est jamais revenue, alors je l’ai reconstituée à partir des merveilleux souvenirs qu’elle m’a laissés et des graines de rêves qu’elle a semées un peu partout en moi avant son départ.

– Le vide est de retour. Il ne nous avait jamais vraiment quittés. Mais maintenant que toute la logistique de la mort a pris fin, le revoilà pile en face de nos gueules.

– J’ai encore du mal à convoquer les beaux souvenirs, les autres me tombent dessus sans crier gare.

– Les jours passent, la nuit reste. Maintenant, tu me manques. Des fois c’est tes bras, des fois c’est tes pas dont je crois reconnaître le bruit. La plupart du temps, c’est toi en entier, avec ta voix et tes petites façons d’être ma mère.

– Oh, qu’est-ce que je donnerais pour te serrer dans mes bras et embrasser ton front, arracher la nuit, te brancher sur mon dos. Je t’emmènerai loin, je te soufflerai partout sur la peau, tu le sentiras, tu te sentiras exactement comme avant.

– et ses ombres que je connais bien. Maintenant qu’il fait tout le temps nuit sur toi, que cette fois c’est sûr, que nous avons fixé une dalle marbrée pour entreposer larmes, souvenirs et fleurs, je réalise. Je n’accepte rien, mais je réalise.

– Elle va revenir, je l’attends avec des étoiles et des gâteaux, elle en a marre des fleurs, elle en a marre d’être morte, c’est trop long…

– Les larmes coulent et les nuages s’éclaircissent, laissant apparaître des rayons du soleil. Et vas-y que tout le monde pleure au soleil ! Le son des sanglots monte, rythmé par des hoquets interminables. Des arc-en-ciel se forment dans les paupières des gens et chacun se promène avec ses morceaux d’arcs-en-ciel entre les cils.

– Les ombres sont les portes du pays des morts. Pas toutes bien sûr, et elles ne sont pas ouvertes tout le temps, mais c’est par là que tout communique.

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