De Kerangal, Maylis «Kiruna» (2019)

De Kerangal, Maylis «Kiruna» (2019)

Auteur : Maylis Suzanne Jacqueline Le Gal de Kerangal passe son enfance au Havre, fille et petite-fille de capitaine au long cours. Elle étudie en classe préparatoire au lycée Jeanne-d’Arc de Rouen et ensuite à Paris de 1985 à 1990 l’histoire, la philosophie et l’ethnologie.
Elle commence à travailler chez Gallimard jeunesse une première fois de 1991 à 1996, avant de faire deux séjours aux États-Unis, à Golden dans le Colorado en 1997. Elle reprend sa formation en passant une année à l’EHESS à Paris en 1998.

Ses romans : Je marche sous un ciel de traîne, 2000, 222 p. – La Vie voyageuse, ,‎ 2003, 240 p. – Ni fleurs ni couronnes, 2006, 135 p. – Dans les rapides (2006) – Corniche Kennedy, Paris, 2008, 177 p. – Naissance d’un pont, Paris,2010, 320 p. ( Prix Médicis 2010 – Prix Franz Hessel 2010) – Tangente vers l’est, Paris, Éditions Verticales,‎ 2012, 134 p. (Prix Landerneau 2012) – Réparer les vivants, 2013, 281 p. (Grand prix RTL-Lire 2014 – Roman des étudiants – France Culture-Télérama 2014 – Prix Orange du Livre 2014 – Prix des lecteurs de l’Express-BFM TV 2014 – Prix Relay 2014) – À ce stade de la nuit, 2015, 80 p. – Un chemin de tables -2016 – Un monde à portée de main (2018) – Kiruna (2019) – Ariane espace (nouvelle – 2020) – Canoës (2021)

Editions de la Contre-Allée – 18.01.2019 – 160 pages

Kiruna, de Maylis de Kerangal, est le troisième texte d’une série produite dans le cadre du programme « Mineurs d’un autre monde »

Résumé : Dotée d’une carte blanche dans le cadre d’un programme de résidences intitulé « Mineurs d’un autre monde », Maylis de Kerangal prend un vol à destination de Kiruna, en Laponie suédoise. En 2004 les résultats d’un diagnostic des sols révèlent que la ville menace de s’effondrer. L’existence de Kiruna est intrinsèquement liée à celle de la mine ; la décision est alors prise de déménager la ville de quelques kilomètres afin que l’exploitation des sols puisse se prolonger.
Sur le mode du reportage littéraire, l’auteure nous emmène à la découverte de l’une des plus grandes exploitations minières encore en activité, tout en dressant le portrait d’hommes et plus particulièrement de femmes qui ont marqué l’histoire des lieux, manifestant l’importance de leurs luttes pour obtenir considération, reconnaissance et autorité au sein de cette industrie minière.
Une approche kaléidoscopique : Nous suivons l’auteure dans son exploration des lieux au fil de chapitres courts, à travers lesquelles elle nous livre autant de points de vue que d’informations pour appréhender Kiruna dans ses multiples dimensions : historique, urbanistique, économique, politique, géographique et humaine. Mais surtout, au fil de ses recherches et de ses rencontres, se dresse le portrait sensible d’hommes et plus particulièrement de femmes qui ont marqué l’histoire des lieux, manifestant ainsi l’importance de leurs luttes pour obtenir considération, reconnaissance et autorité au sein de cette industrie minière.

Mon avis :
Eh bien non ! la Laponie ce n’est pas que la maison du Père Noël !
Bienvenue à Kiruna, en Laponie suédoise la ville qui abrite la plus grande mine de fer du monde, dans la contrée où habitent encore les Sámis, dernier peuple autochtone d’Europe. D’ailleurs il est un peu question des Sámis dans ce petit récit car ils se mobilisent pour la sauvegarde de leur territoire et craignent que l’exploitation de la mine ne détruise à jamais la région.
Un endroit ou la mine et la ville sont deux entités intimement liées et c’est la raison pour laquelle une ville Kiruna 2 va devoir être construite pour remplacer la première, menacée d’effondrement au fur et à mesure de l’exploitation de la mine qui sape les fondations de la première.
C’est aussi l’arrivée des femmes dans un monde totalement masculin ; et pour y arriver, il va falloir ouvrir le monde de la mine aux femmes et leur permettre d’accéder à des métiers réservés aux hommes ; dans un premier temps en surface, puis dans les profondeurs de la terre. : la première femme chauffeur, conductrice d’engins, puis mineure de fond…
J’aime la manière de conter ce monde : les images de maintenant et des années 1900 qui parfois se superposent et s’appellent l’une l’autre, par la simple évocation générée par une photographie d’époque…
La visite de Kiruna, la description des maisons, de l’Eglise « qui ressemble à une kåta (tente) lapone, confia les sculptures à son ami Chris Eriksson et les peintures à un autre de ses proches, le Prince Eugène. Ce qui frappe d’emblée, c’est sa forme extraordinaire, complexe, hérissée, pointue, et aussi cette couleur sang-de-bœuf, ce rouge profond, uniforme, réparti en couche épaisse sur les planches et les rondins de bois, sur les écailles sculptées. »
Kiruna, la porte du grand Nord, une ville qui est ouverte aux étrangers, aux réfugiés, aux demandeurs d’asile qui s’intègrent : le froid étant semble-t-il plus extérieur (Ah oui il fait froid pour les pauvres gens qui débarquent du Grand Sud) qu’intérieur. Il peut faire  -40°C l’hiver et +30°C l’été …
A chaque rencontre avec Maylis de Kerangal, je tombe sous le charme : une fois encore j’aime sa sensibilité, sa manière de décrire les gens et les lieux..
Et j’en profite pour dire combien j’apprécie cette maison d’édition qui publie des textes qui sortent de l’ordinaire (voir : Les Pigeons de Paris de Victor del Árbol (2016) 

Extraits :

Elle est là, close et mate, plus noire que le ciel, dressée au-delà d’une surface plane, et claire – la clarté fluorescente de la neige dans la nuit. Est-elle proche ou lointaine ? Je n’en sais rien, il manque une silhouette humaine dans le paysage. Ce qui me frappe sur-le-champ, c’est son emprise.

Je l’ai cherchée comme on cherche la porte de cet espace inconnu sur quoi s’appuient nos existences, espace dont je ne sais s’il est vide ou plein, s’il est creusé d’alvéoles, de grottes ou de galeries, percé de tunnels ou aménagé de bunkers, s’il est habité, s’il est vivant.

Intimement liés, les destins de la mine et de la ville sont désormais pris dans une même impasse : si la mine continue de s’étendre sans que rien ne bouge, les habitants, menacés, finiront par vider les lieux.

cette jeune femme sonde tout de même l’intérieur de la terre, la matière du sous-sol. Je ne peux m’empêcher de projeter sur son visage intelligent un imaginaire de ténèbres, de temps follement épais, de galeries, de fossiles, de sédiments, de trésors, imaginaire de roman auquel elle est totalement étrangère, puisque concrète, directe, précise, puisque détestant descendre « au fond », ça m’angoisse dit-elle en riant, je préfère de loin les mines à ciel ouvert.

 

One Reply to “De Kerangal, Maylis «Kiruna» (2019)”

  1. Kiruna, de Maylis de Kerangal, est le troisième texte d’une série produite dans le cadre du programme « Mineurs d’un autre monde »
    Si vous avez connaissance des deux autres textes… je suis intéressée

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