Mukherjee, Abir «Les Princes de Sambalpur» (2020)

Mukherjee, Abir «Les Princes de Sambalpur» (2020)

Auteur : Abir Mukherjee est né en 1974 à Londres, est un romancier britannique d’origine indienne qui a grandi dans l’ouest de l’Écosse dans une famille d’immigrés indiens. Fan de romans policiers depuis l’adolescence, il a décidé́ de situer son premier roman à une période cruciale de l’histoire anglo-indienne, celle de l’entre-deux-guerres. Premier d’une série qui compte déjà̀ quatre titres, L’attaque du Calcutta-Darjeeling a été́ traduit dans neuf pays.

Série mettant en scène le capitaine Sam Wyndham, ancien inspecteur de Scotland Yard qui faisait partie de la police impériale, et le sergent Surrender-Not (Surendranath) Banerjee. Cette série débute en 1919 à Calcutta. Avec ce roman, il est lauréat du Historical Dagger Award 2017.Avec la permission de Gandhi 2022

Série Sam Wyndham : L’Attaque du Calcutta-Darjeeling 2019 (A Rising Man –  2017) (Prix Le Point du polar européen en 2020) – Les Princes de Sambalpur 2020 (A Necessary Evil –2017) – Avec la permission de Gandhi 2022 (Smoke and Ashes – 2018) – Le Soleil rouge de l’Assam 2023 (Death in the East – 2019) – Les ombres de Bombay 2024 (The Shadows of Men – 2021)
Autre roman Sin is the New Love (2018)

Liana Levi – 01.10.2020 – 361 pages / Folio – 7.10. 2021 – 416 pages (traduit de l’anglais par Fanchita Gonzalez Battle)

Résumé : Echouer à prévenir l’assassinat d’un prince n’est pas un fait d’armes dont peuvent s’enorgueillir le capitaine Wyndham et le sergent Banerjee, de la police de Calcutta. Piqués au vif par cet échec, l’inspecteur et son adjoint décident de suivre la piste des mystérieuses missives reçues par le prince jusqu’à Sambalpur, petit royaume de l’Orissa, célèbre pour ses mines de diamants. Le vieux maharajah, entouré de ses femmes, et de dizaines de concubines et enfants, paraît très affecté par la mort de son fils aîné, et prêt à accepter leur aide.
D’omelettes trop pimentées pour les papilles anglaises au culte de l’étrange dieu Jagannath, en passant par une chasse au tigre à dos d’éléphant, Wyndham et Banerjee seront initiés aux mœurs locales. Mais il leur sera plus compliqué de pénétrer au coeur du zenana, le harem du maharajah, où un certain confinement n’empêche pas toutes sortes de rumeurs de circuler. Au-delà du suspense, une plongée au coeur des petits royaumes de l’Inde traditionnelle des années 1920, et une subtile analyse de l’impossible coexistence entre Britanniques et Indiens.
Dans la dangereuse moiteur de l’Inde coloniale
Note de l’auteur : Ce livre est inspiré de l’histoire des bégums de Bhopal, une dynastie de reines musulmanes qui ont gouverné l’État princier de Bhopal pendant la plus grande partie de la période allant de 1819 à 1926. Dans le climat actuel de fondamentalisme religieux et de politique réactionnaire nous devrions nous rappeler qu’un royaume indien a été gouverné – et bien – par une lignée de femmes musulmanes.

Mon avis : Une plongée dans l’Inde traditionnelle des années 1920. J’avais adoré le tome 1, L’Attaque du Calcutta-Darjeeling  et le tome 2 a été aussi un pur ravissement. J’ai retrouvé avec plaisir le Capitaine Sam Wyndham et Banerjee et je ne peux que conseiller aux lecteurs de lire la série dans l’ordre, bien que les enquêtes soient totalement indépendantes.
En plus de l’intérêt de la description de la cohabitation entre les Anglais et les Indiens, l’analyse des deux cultures qui se marient en surface mais sont loin de bien s’entendre dans le fond, il y a toujours cet humour « so british », les informations sur la culture et la religion avec les traditions, les divinités. Il y a aussi l’Inde telle qu’on l’imagine, avec ses maharadjahs, ses harems, ses palais, ses divinités et des personnages pleins de charme et d’originalité.
Il y a aussi l’enquête qui est passionnante, le traitement de la condition féminine, le racisme, la colonisation, le côté politique, le contexte social. Il y a l’Inde telle qu’on l’imagine, avec ses maharadjahs, ses harems, ses palais, ses divinités. Et l’autre côté du miroir… Mais on évolue dans l’Inde enchanteresse : certes il y a des moments violents ( la mise à mort des deux traitres ), il y a la chasse aux tigres (traditionnelle), l’Inde traditionnaliste mais il n’y a pas l’étalage de la pauvreté, même si on ne mous cache pas qu’elle existe. Des détails comme ceux sur les Chemins de fer indiens qui utilisent des types d’écartements différents rendent le voyage pittoresque et instructif. On s’imagine en train de changer de train … J’aime cette série qui est pour moi un pur moment de dépaysement, qui fait à la fois rêver et à la fois découvrir une période de l’histoire que je connais mal. Vivement la suite.

Extraits :

Je pourrais lui dire que je dois ma présence au vice-roi plutôt qu’à Dieu, mais dans l’Inde britannique c’est à peu près la même chose.

L’homme est bâti comme la face nord du Kanchenjunga et son expression est tout aussi glaciale.

Sat s’assoit sur un divan brodé de fil d’or, un de ces meubles français, Louis XIV ou que sais-je, que l’on apprécie davantage de loin qu’en s’asseyant dessus.

S’il était écrit dans ses astres que tel était son destin, alors personne n’aurait rien pu y faire.

Qu’est-ce qui vous prend d’aller dîner avec quelqu’un d’aussi ennuyeux ? J’ai rencontré des cadavres plus animés que lui.

À Calcutta, là où il y a une tannerie il y a des Chinois. Ils ont pratiquement le monopole du commerce du cuir puisque les autochtones, hindous pour la plupart, ne veulent rien avoir à faire avec l’abattage des vaches, et que leurs voisins mahométans ne sont pas très amateurs non plus.

Tels sont les vice-rois. Sous l’apparence de demi-dieux, en réalité, depuis l’époque de lord Curzon, la seule chose qui compte vraiment pour eux est que tout tourne rond jusqu’à ce qu’ils puissent aller ailleurs.

La mousson. Bien plus que la simple pluie, elle défend la vie, apporte la promesse d’une nouvelle naissance, brise la chaleur et a raison de la sécheresse. Elle est le sauveur de ce pays, le véritable dieu de l’Inde.

Les autochtones semblent considérer comme un péché mortel de servir un repas s’il n’est pas additionné de la moitié de son poids en épices, même le petit déjeuner.

À six heures quinze le train arrive à Sambalpur dans une gare qui a l’air d’avoir été transportée là de quelque part dans les Cotswolds : murs de grès doré, toit d’ardoise et une tranquillité provinciale. Même les nuages sont assez gris pour être anglais. Seule la chaleur est indienne.

En Inde, être blanc dans une voiture suffit à vous faire accepter à peu près partout

Avez-vous une idée de la signification d’une marque qu’un saint homme peut porter sur le front ? Deux lignes blanches qui se rejoignent sur le nez de part et d’autre d’une ligne rouge plus fine ? »
Sa figure s’éclaire. « Vous parlez du Sricharanam, dit-il. La marque des disciples de Vishnou. »

C’est un diplomate de carrière, un homme habitué à toujours suivre les ordres de personnages sans visage à l’autre bout d’un télégraphe.

Nous ne croyons pas à la résurrection du corps. Il n’est que l’enveloppe terrestre de l’âme qui doit être libérée pour poursuivre son voyage. Pour que cela arrive l’âme a besoin d’être nourrie.

Le nombril. Nous pensons qu’il a une signification particulière. Dans la matrice il nous relie au cordon ombilical et à notre mère, et à notre mort, à des températures assez chaudes pour transformer la chair et les os en cendre, pour une raison inconnue le nombril ne brûle pas. C’est vraiment très étrange. Nous croyons qu’il contient notre essence et qu’il doit retourner à la terre.

C’est l’Inde, capitaine. Voyez-la telle qu’elle est, pas telle que vos apologistes de l’Empire et vos professeurs d’orientalisme voudraient que vous la croyiez. Faute de quoi vous ne nous comprendrez jamais.

On dit que la fortune sourit aux audacieux, mais en Inde il n’existe rien de tel que la fortune. Ce que nous appelons la chance, les hindous en font un attribut de la déesse Lakshmi.

On dit que notre histoire remonte à des milliers d’années, mais pendant tout ce temps quels ont été les véritables changements ? Notre peuple vénère les dieux comme l’ont fait nos ancêtres pendant des millénaires, nos paysans labourent le sol comme le faisaient nos ancêtres à l’époque du Mahabharata. Dans notre pays, les changements sont lents. Il faut moins de temps au vent du désert pour réduire des montagnes en cailloux.

Un Anglais a horreur de partager ses pensées intimes, c’est un fait. C’est pourquoi nous avons accepté la Réforme aussi volontiers : nous avons du mal à nous confesser, même à un prêtre. Et si nous répugnons à nous ouvrir à un homme de Dieu, nous sommes totalement incapables de le faire devant un indigène. Ce serait un signe de faiblesse.

– La vérité et ses conséquences sont deux choses différentes. La vérité n’entraîne pas davantage la justice que la haute naissance n’entraîne la sagesse. Je sais que votre âme aspire à la vérité. Si un jour vous connaissez la justice, tant mieux, et sinon, tant pis. De toute façon, la justice peut prendre de nombreuses formes. Il se peut même que vous ne la reconnaissiez pas en la voyant.

 

Infos :
Jagannath (Divinité) : Dans l’hindouisme, Jagannātha, « Seigneur de l’Univers » (de jagat, le monde, l’univers et nātha, seigneur) est le nom donné à Krishna lorsqu’il est considéré comme la divinité suprême1. La divinité, représentée en noir, car c’est la couleur et le nom même de Krishna, est souvent accompagnée par son frère Balarâma, en blanc, et sa sœur Subhadrâ, en jaune. On le trouve aussi écrit Djaggernat.Un des lieux saints de l’Inde est le temple de Jagannâtha à Purî.

Dans l’hindouisme, Lakshmi (sanskrit IAST : Lakṣmī ; « beauté, splendeur, prospérité, fortune »), ou Mahalakshmi, est la déesse de la Fortune, de la prospérité, de la richesse et de l’abondance. Elle est l’épouse de Vishnou.

chinkara: Gazella bennettii connue localement sous le nom de chinkara ou idimi, est une espèce de gazelle présente en Asie du Sud. Elle vit dans les prairies et les zones désertiques en Inde, au Bangladesh, dans certaines parties de l’Iran et au Pakistan.

 

Image : temple de Jagannath à Puri (image Wikipedia)

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