Mukherjee, Abir «Avec la permission de Gandhi» (RLH2022) 384 pages

Auteur : Abir Mukherjee est né en 1974 à Londres, est un romancier britannique d’origine indienne qui a grandi dans l’ouest de l’Écosse dans une famille d’immigrés indiens. Fan de romans policiers depuis l’adolescence, il a décidé́ de situer son premier roman à une période cruciale de l’histoire anglo-indienne, celle de l’entre-deux-guerres. Premier d’une série qui compte déjà̀ quatre titres, L’attaque du Calcutta-Darjeeling a été́ traduit dans neuf pays.

Série mettant en scène le capitaine Sam Wyndham, ancien inspecteur de Scotland Yard qui faisait partie de la police impériale, et le sergent Surrender-Not (Surendranath) Banerjee. Cette série débute en 1919 à Calcutta. Avec ce roman, il est lauréat du Historical Dagger Award 2017.

Série Sam Wyndham : L’Attaque du Calcutta-Darjeeling 2019 (A Rising Man –  2017) (Prix Le Point du polar européen en 2020) – Les Princes de Sambalpur 2020 (A Necessary Evil –2017) – Avec la permission de Gandhi 2022 (Smoke and Ashes – 2018) – Le Soleil rouge de l’Assam 2023 (Death in the East – 2019) – Les ombres de Bombay 2024 (The Shadows of Men – 2021)
Autre roman Sin is the New Love (2018)

Série Sam Wyndham tome 03

Liana Levi – 13.01.2022 – 304 pages (traduit de l’anglais par Fanchita Gonzalez Battle) / Folio policier – 02.02.2023 – 384 pages

Résumé
Décembre 1921, le Raj tremble. Un certain Gandhi prône la désobéissance civile et des foules de manifestants pacifiques mais déterminés s’apprêtent à envahir les rues de Calcutta. Comment éviter que l’élégant prince de Galles, en visite officielle, ne soit témoin de la révolte qui gronde ? C’est à cette situation inédite que la police impériale est appelée à se mesurer alors que dans la région des meurtres inexplicables se multiplient.
Le capitaine Wyndham et le sergent Banerjee n’ont pas peur de se battre sur plusieurs fronts, mais pour Wyndham se rajoute une lutte serrée contre une addiction à l’opium de plus en plus envahissante. Tandis que Banerjee se donne un mal de chien pour concilier l’inconciliable : sa sympathie pour les courants indépendantistes et son appartenance à la police du colonisateur honni. Malgré leur pugnacité, l’issue de tous ces combats est loin d’être acquise.

Mon avis : 

C’est parti pour la visite de Calcutta en compagnie de nos deux compagnons. Le moins que l’on puisse dire c’est que cela va être instructif et sous pression. Il faut dire que la vie n’est pas facile pour Banerjee qui est indien et travaille dans une police de blancs, mais reste néanmoins fort attaché à sa famille, malgré l’amour de son métier. Et dans cette enquête, il va être sacrément tiraillé; les sentiments de nos deux policiers vont aussi être malmenés par l’enquête
Le moins que l’on puisse dire c’est que ça commence mal pour le Capitaine Sam Wyndham ! Le pauvre n’est pas en grande forme ! Il est en effet sous l’emprise de la drogue et n’arrive plus à s’en passer: l’effet sur sa santé est ravageur! Il faut absolument qu’il se reprenne, non seulement d’un point de vue physique mais aussi pour ne pas avoir des ennuis d’ordre professionnel.
Une descente de police dans la fumerie d’opium ! Le voilà obligé de se carapater par les toits et de se retrouver en présence d’un cadavre sur le toit! Mais le plus surprenant, c’est qu’après la rafle, le corps qu’il avait vu s’est volatilisé et que personne n’en parle. Il ne l’a pas inventé quand même? Et voilà que la Police militaire va s’en mêler. La fameuse Section H va s’emparer de l’enquête…, et la lutte d’influence entre la Police et la Section H est relancée.
Alors que Calcutta est en pleine ébullition car on attend l’arrivée du Prince de Galles, les autorités veulent que tout se déroule dans le calme et la sérénité. Le peuple, lui, veut manifester, à la manière de Gandhi : en masse et pacifiquement mais en occupant le terrain.
Et les cadavres s’enchainent… Le capitaine Wyndham et le sergent Banerjee mènent l’enquête, la Section H aussi… cela finit par se recouper et devenir une course contre la montre… Le Prince de Galles arrive bientôt…
Une enquête passionnante, des rebondissements, du suspense et toujours de l’humanité, les deux policiers que j’adore, le contexte historique, l’humour, et toujours la découverte de l’Inde des années 20..
Une excellente série sur tous les plans. Je ne vais pas tarder à attaquer la suite… 

Extraits: 

Un des policiers avait dû me repérer d’une fenêtre car quelques instants plus tard une porte s’est brutalement ouverte et j’ai entendu des tirs de sommation.

J’ai décliné la proposition en prenant mes jambes à mon cou, réconforté de savoir que cette nuit-là j’avais pris au moins une bonne décision.

Pourtant, je me suis attaché à cette ville. Peut-être parce qu’à sa façon Calcutta est aussi mal partie que moi et fonctionne tout aussi mal : une ville construite en plein marais fétide du Bengale, peuplée d’inadaptés qui se battent pour survivre.

Les Bengalis de Calcutta, toujours prêts à faire un doigt d’honneur aux Anglais, ont pris l’initiative de mener la charge, non qu’il y ait grand-chose à charger, attendu que le modus operandi préféré du Mahatma consiste à s’asseoir par terre et refuser de bouger. De plus, c’est un moyen de protestation qui paraît fait sur mesure pour la psychologie bengali qui a une prédisposition pour causer un maximum d’ennuis avec un minimum d’effort. Ils ont la grève dans le sang, au point qu’il est permis de penser que beaucoup ne se présentent à leur poste que pour pouvoir faire grève ensuite.

 

Comme toujours, Calcutta assaille les sens : un cocktail de couleurs primaires, des odeurs fortes et la cacophonie de la vie dans une ville d’un million d’habitants entassés dans un espace trop réduit pour un dixième de ce nombre.

Quand il s’agit de fournir des informations il lui arrive d’être aussi opaque dans ses formulations que l’oracle de Delphes.

Dans le passé j’aurais pu croire qu’il s’agissait effectivement d’un membre de la famille, mais il n’est pas nécessaire de côtoyer des Indiens très longtemps pour s’apercevoir qu’ils traitent presque toutes leurs relations d’oncle, de tante, de grand-père ou de grand frère. Tout le monde est un kaku, un masi ou un dada, comme si ces trois cents millions étaient une grande famille élargie malheureuse.

Calcutta est une ville divisée de plusieurs façons. Au nord il y a Black Town, habitée par la population indigène ; au sud, White Town pour les Britanniques, et entre les deux une zone grise et informe peuplée de Chinois, Arméniens, Juifs, Parsis, Anglo-Indiens et tous les autres qui ne sont pas intégrés. Il n’y a pas de loi qui cloisonne la ville, pas de barrières ni de murs ; la ségrégation est un phénomène naturel qui a évolué sans que personne n’y prête attention.

On dit qu’aucun homme n’est une île, mais la vérité est que certains d’entre nous sont contraints de l’être, façonnés par le destin et des circonstances hors de notre contrôle. 

La vérité est que le peuple est fatigué. Il en va des protestations comme de l’opium – leurs effets diminuent à la longue.

Je comprends soudain que là est le véritable problème. Pour considérer un homme comme votre ennemi vous devez le détester, et alors qu’il est facile de haïr un homme qui vous attaque avec des balles et des bombes, c’est sacrément difficile de haïr un homme qui s’oppose à vous en faisant appel à vos principes moraux.

Image : visite du Prince de Galles 1921