Mukherjee, Abir « Les ombres de Bombay» (RLH2023) 431 pages (Série Sam Wyndham tome 05)

Mukherjee, Abir « Les ombres de Bombay» (RLH2023) 431 pages (Série Sam Wyndham tome 05)

Auteur : Abir Mukherjee est né en 1974 à Londres, est un romancier britannique d’origine indienne qui a grandi dans l’ouest de l’Écosse dans une famille d’immigrés indiens. Fan de romans policiers depuis l’adolescence, il a décidé de situer son premier roman à une période cruciale de l’histoire anglo-indienne, celle de l’entre-deux-guerres. 

Série mettant en scène le capitaine Sam Wyndham, ancien inspecteur de Scotland Yard qui faisait partie de la police impériale, et le sergent Surrender-Not (Surendranath) Banerjee. Cette série débute en 1919 à Calcutta. Avec ce roman, il est lauréat du Historical Dagger Award 2017.

Série Sam Wyndham : L’Attaque du Calcutta-Darjeeling 2019 (A Rising Man –  2017) (Prix Le Point du polar européen en 2020) – Les Princes de Sambalpur 2020 (A Necessary Evil –2017) – Avec la permission de Gandhi 2022 (Smoke and Ashes – 2018) – Le Soleil rouge de l’Assam 2023 (Death in the East – 2019) – Les ombres de Bombay 2024 (The Shadows of Men – 2021) – (The Burning Grounds – 2025)
Autre roman Sin is the New Love (2018)
Autres : « Les fugitifs » 2025

Série Sam Wyndham tome 05
Liana Levi – 07.03.2024 – 363 pages (les années 20 en Inde,  les émeutes, les tensions religieuses, Calcutta en feu. (The Shadow Of Men traduit de l’anglais par Philippe et Emmanuelle Aronson) / Folio policier – 20.03.2025 – 431 pages

Résumé
1923. A l’approche des élections municipales, Calcutta est une poudrière. Les communautés musulmane et hindoue se déchirent sous l’oeil impuissant de la police coloniale. Quand le capitaine Wyndham apprend un matin l’arrestation du sergent Satyendra Banerjee, son bras droit et meilleur ami, pour le meurtre d’un influent théologien hindou, il comprend qu’une guerre de religion est imminente. Alors que la ville bascule dans la violence, Banerjee parvient à s’enfuir dans l’espoir de laver son nom et, s’il est encore temps, d’éviter le bain de sang…

Mon avis:
Retrouvé avec plaisir le capitaine Sam Wyndham et son adjoint indien, le sergent Banerjee, mais je dois dire que cette fois-ci, j’ai moins apprécié ma lecture et que j’ai eu beaucoup de mal à entrer dans le roman. Cette fois-ci la complicité et les échanges entre les deux héros qui vivent l’histoire chacun de leur coté m’ont manqués. C’est dû à la situation du sergent: Banerjee est dans un beau pétrin et il est en fuite. Sam de son coté va tout faire pour le sortir du pétrin dans lequel il s’est fourré. Difficile d’expliquer aux autres que Banerjee agissait sur ordre alors que personne n’est en mesure de le confirmer. Heureusement qu’il y a un moment où ils vont se retrouver et mener l’enquête ensemble!  Mais le coté duo m’a manqué sur une bonne partie du livre.
Et puis il y a aussi Annie, la femme riche toujours prête à voler au secours de Sam…
Par contre l’enquête est extrêmement intéressante, pleine de rebondissements et les motivations des criminels sont extrêmement complexes et manipulatrices. Ce qui sauve toujours est le coté historique et l’ambiance, la description du pays et des coutumes. Les voyages tels que racontés sont pleins de couleurs et de réalisme, le contexte politique et religieux, les années 20 en Inde,  les émeutes, les tensions religieuses, Calcutta en feu.

J’espère que nous retrouverons le duo d’enquêteurs agissant main dans la main dans le tome 6 …

Extraits:

Même les moins puissants d’entre eux semblent avancer paisiblement dans la vie avec cet air de ceux qui sont nés pour diriger – non pas leur propre pays, mais le nôtre.

Et j’aurais pu lui dire que lorsqu’on renie une fois ses principes il devient difficile de ne pas le faire les fois suivantes.

« Le recul, c’est bien beau, mais inutile. Ce qui importe c’est le kismet, la volonté des dieux. »

La vérité, c’est que le système judiciaire que nous administrons dans ce pays ne se préoccupe guère de l’éthique, ni de l’innocence d’un homme s’il a la peau brune et si ceux qui l’accusent ont la peau blanche

Depuis, et sans Gandhi pour maintenir l’unité, le mouvement indépendantiste s’était effondré et était devenu un bourbier de luttes intestines et de récriminations mutuelles. 

Une force invisible s’empare des manifestants et les choses s’enveniment. Les griefs cèdent la place à une colère pure qui très vite se métamorphose en folie collective à l’instar d’un feu de brousse dégénérant en brasier infernal attisé par des vents invisibles, et l’ombre de la mort s’abat aussi inexorablement que la tombée de la nuit.

Il y a, me semble-t-il, quelque chose dans la psyché bengalie qui prédispose à l’autodestruction. Comment expliquer sinon le comportement d’un peuple capable d’atteindre des sommets en matière d’art, de poésie et de philosophie et pourtant si prompt à tomber dans la barbarie et le massacre des siens au nom de la religion ?

Elle m’a regardé comme une femme examinant un nouveau sari dans une boutique, pour chercher à déterminer si je valais la peine qu’elle me consacre encore du temps et de l’attention.

C’était très bien en théorie, mais les émeutes à caractère religieux n’évoluent pas comme les courants que digues et barrages peuvent juguler. Elles s’apparentent plus aux feux de brousse qui se déclarent dans plusieurs endroits à la fois sans crier gare.

– Stratégiquement placés ? Par opposition à haut placés ? » (…) Haut placés aurait signifié des amis dans la hiérarchie politique. Stratégiquement placés suggérait quelque chose de légèrement différent. Les militaires ?

Bombay est une ville curieuse. Contrairement à Delhi ou Londres voire même Calcutta, où le centre se situe, comme on pourrait s’y attendre, dans le centre, avec des banlieues qui rayonnent dans toutes les directions, Bombay est bâti sur une succession d’îles, un triangle inversé, avec le « centre » de la métropole planté à l’extrême sud. 

Si nous autres, les Britanniques, avons donné à l’Inde son chemin de fer, quelqu’un aurait dû ajouter des horaires pour aller avec. De trop nombreux trains dans le pays semblent partir avec seulement une très vague notion de l’heure à laquelle ils sont censés arriver à destination. En effet, la chose essentielle pour voyager en train ici, ce n’est pas un billet mais un bon livre pour vous aider à traverser les interminables retards.

– Les Parsis, a dit Satyen comme s’il se lançait dans une leçon d’histoire, sont arrivés en Inde il y a plusieurs siècles en provenance de Perse parce qu’ils fuyaient les musulmans qui avaient conquis leur terre et les persécutaient. Ils sont des adeptes du prophète Zoroastre, que vous les Britanniques appelez Zarathoustra. Selon la légende, ils ont été accueillis par un roi du Gujarat, et ils ont prospéré depuis, en termes de richesse si ce n’est en nombre.

Que feraient les Anglais sans la météo, ce pilier de tout échange informel depuis au moins cent ans. Sur notre île royalement détrempée, elle sauve la mise à tout un chacun, maintenant à flot les conversations, et en l’occurrence elle s’exporte sous les climats étrangers, où elle fait admirablement son travail.

S’il y a une chose qu’ont en commun toutes les religions, ai-je découvert, c’est le dogmatisme avec lequel les rituels sont suivis. L’heure précise d’un service ou le protocole d’une liturgie est d’ordinaire inscrit dans la pierre, généralement par des prêtres plusieurs siècles après que le dieu ou le prophète en question a tiré sa révérence et regagné les cieux. C’est comme ça avec la religion. On peut légitimement se demander ce qui relève de l’inspiration divine et ce qui n’est que pure bureaucratie.

J’en avais assez d’être toujours sur la défensive, de toujours prendre le parti de l’indéfendable. Vivre une hypocrisie semi-permanente, voilà ce que signifie être anglais en Inde, et je ne suis certainement pas le seul à ressentir cela. Dieu sait qu’il y a pléthore d’honnêtes hommes et femmes amers et brisés et poussés à la boisson et à l’autodestruction par l’absurdité de la situation : prétendre que nous sommes ici pour améliorer ce pays quand tout ce que nous faisons, c’est le vider de sa substance.

Information:
Le faravahar est le symbole le plus connu de la Perse antique, représentant un disque solaire ailé avec un personnage masculin assis en son centre. On pense qu’il représente Ahura Mazda , le dieu du zoroastrisme, mais il a également été interprété comme signifiant d’autres concepts, notamment : Fravashi (Ange Gardien)

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