Rash, Ron « Un silence brutal » (2019)
Auteur : Ron Rash, né en Caroline du Sud en 1953, a grandi à Boiling Springs et obtenu son doctorat de littérature anglaise à l’université de Clemson. Il vit en Caroline du Nord et enseigne la littérature à la Western Carolina University. Il a écrit à ce jour quatre recueils de poèmes, six recueils de nouvelles – dont Incandescences (Seuil, 2015), lauréat du prestigieux Frank O’Connor Award, et cinq autres romans, récompensés par divers prix littéraires : Sherwood Anderson Prize, O. Henry Prize, James Still Award. Un pied au paradis (2002 / 2009) Le Chant de la Tamassee (2004 / 2016), Le Monde à l’endroit (2006 / 2012) , Serena (2008 / 2011) , Une terre d’ombre (2012/ 2014) , Par le vent pleuré (2016 / 2017), Un silence brutal (2019)
Editions Gallimard – La Noire – 21.03.2019 – 272 pages / titre original : « Above the Waterfall » Trad. de l’anglais (États-Unis) par Isabelle Reinharez
Résumé : Dans cette contrée de Caroline du Nord, entre rivière et montagnes, que l’œuvre de Ron Rash explore inlassablement depuis Un pied au paradis, un monde est en train de s’effacer pour laisser la place à un autre. Le shérif Les, à trois semaines de la retraite, et Becky, poétesse obsédée par la protection de la nature, incarnent le premier. Chacun à sa manière va tenter de protéger Gerald, irréductible vieillard amoureux des truites, contre le représentant des nouvelles valeurs, Tucker. L’homme d’affaires, qui loue fort cher son coin de rivière à des citadins venus goûter les joies de la pêche en milieu sauvage, accuse Gerald d’avoir versé du kérosène dans l’eau, mettant ainsi son affaire en péril.
Les aura recours à des méthodes peu orthodoxes pour découvrir la vérité. Et l’on sait déjà qu’avec son départ à la retraite va disparaître une vision du monde dépourvue de tout manichéisme au profit d’une approche moins nuancée.
Mon avis :
Et pourtant comme je l’attendais ce livre… Le nouveau Ron Rash… et en prime la collection La Noire qui est relancée. Autant j’ai aimé les précédents autant celui-ci ne m’a pas emportée. L’écriture est toujours aussi belle et c’est ce qui a sauvé le livre, mais l’histoire et les rapports entre les protagonistes ne m’a pas du tout interessée. Opération anti-meth, magouilles et compagnie, jeunes sordides et paumés, flic proche de la retraite et collègues, exploitation de relais de pêche… Des personnages pour lesquels je n’ai ressenti ni empathie, ni sympathie. Bien sûr le fond du problème est un thème auquel je suis sensible : la sauvegarde de la nature et des poissons mais l’enquête et tout ce qui tourne autour n’a pas su capter mon attention ; accusé à tort ou pas ? pourquoi ? la vie du vieillard, des gens du coin qui sont partis et revenus, leurs rancœurs… comme tous me semblaient antipathiques ou que je n’ai pas ressenti le moindre atome crochu ou la moindre tendresse / compassion / intérêt pour ce qui pourrait bien leur arriver à l’avenir… je me suis ennuyée et je suis totalement passée coté.. Heureusement, il n’était pas long… Reste le principal, l’écriture, le souffle poétique qui tel le vent règne en maître … mais comme le nature-writing passait après l’histoire de gros sous et de règlements de compte… et c’est la poésie qui fera que ce livre fut quand même un beau moment de lecture.
Alors oui.. je suis totalement à contre courant.. je n’ai lu que du dithyrambique sur le livre, mais avec moi, la magie Rash n’a pas opéré au niveau du fond , pour la première fois … Pour la forme, toujours un régal par contre.
Extraits :
Même les wagons de marchandises de Hopper sont seuls.
Je ne suis pas autiste, me confia-t-elle plus tard, j’ai simplement passé une grande partie de ma vie à tenter de le devenir.
Ce soir-là, pour la première fois, nos baisers furent de ceux qui mènent à un lit. Mais notre conversation s’avéra plus intime encore, comme si cette impression de retour dans le passé que dégageait la pièce nous permettait de dévoiler plus librement notre histoire.
Les montagnes s’enfoncent en accordéon dans l’État du Tennessee.
Quand j’avais baissé les yeux, une vipère cuivrée était lovée de l’autre côté. Une part de mon être, sans rapport avec la vue, avait deviné sa présence. L’atavisme avait jailli, telle l’étincelle du silex. Des tribus d’Amazonie discernent Vénus en plein jour. Mon grand-père n’avait pas besoin d’une montre pour savoir l’heure. Quoi d’autre encore pourrions-nous retrouver si nous étions plus ouverts ? Peut-être même Dieu, qui sait.
Alors que je pénètre dans les bois, c’est le parfum ample et pur des sapins baumiers. Plus loin, la senteur de moisi gorgée d’ombre. Par des trouées dans la voûte des arbres, le ciel use de pailles de soleil pour aspirer et assécher le terreau de feuilles baigné d’humidité. Pendant une minute, pas un bruit. Je recueille ce silence, le loge en moi pour l’après-midi.
Le même jaune que les tournesols de Van Gogh. La peinture épaisse de Vincent, comme les sons épais de Hopkins. Une telle grâce offerte par de prétendus prêtres ratés.
L’histoire de ta vie se lit sur ton visage, disait une vieille chanson country,
Les longues années passées au grand air avaient ridé son visage, toutefois ses yeux débordaient de jeunesse. Ils étaient bleus, mais d’un bleu qui allait en s’assombrissant plus on plongeait son regard profondément en eux.
De bons souvenirs qui aujourd’hui encore savent consoler.
Justice. Un policier, aurait-on pu penser, devait avoir un peu foi en ce mot, mais en trente ans je ne l’avais que trop peu vue à l’œuvre.
Le paradis est là tout autour de nous, affirmait le pasteur. Mais Mist Creek Valley confirmerait bientôt que c’était tout aussi vrai de l’enfer.
Le soleil dans mon dos projette mon ombre en amont. Il frôle l’auparavant de ce que je sens passer, comme le souvenir de quelque chose qui n’a pas encore eu lieu.
Dans une zone aussi rurale que la nôtre, tout le monde est rattaché à tout le monde, si ce n’est par les liens du sang du moins de quelque autre façon. Dans les pires moments, le comté ressemblait à une toile gigantesque. L’araignée remuait et de nombreux fils reliés les uns aux autres se mettaient à vibrer.
les chiens c’est comme les gens. Peu importe la qualité de la lignée, ils peuvent toujours mal tourner.
Tout avait une résonance, une signification. Du folklore, certes, mais toujours avec un peu de vrai, l’invisible raccord que voyait Hopkins : Toute chose ici-bas fait une et même chose.
Autour de la lune des nuages gris glissent comme des fantômes.
Je venais tout juste de m’asseoir quand j’eus soudain l’impression d’avoir descendu la dernière marche d’une galerie sans savoir qu’un abysse s’ouvrait en dessous. L’impression de tomber sans qu’il y ait une corde ou un câble en acier pour me tirer de là. Parce que, jusqu’à cet instant, prendre ma retraite n’avait pas été tout à fait réel. J’avais cinquante et un ans. Mon père avait vécu jusqu’à soixante-treize ans, et c’était un fumeur. À quoi pouvais-je m’attendre ? À une trentaine d’années, peut-être davantage ? Toutes ces heures à remplir, et avec quoi ?
C’est ce qu’on ressent tous à l’approche de la retraite, me dis-je pour me rassurer. C’est un changement, et n’importe quel changement peut être angoissant parce qu’on perd pied.
9 Replies to “Rash, Ron « Un silence brutal » (2019)”
Mais qu’est-ce qui nous arrive Miss Cath ?!? Nous nous divisons sur 2 livres mais c’est du jamais vu…hihihi…Le mois de mai sera celui de la réconciliation, je l’espère.
Bon alors mon avis :
Un silence brutal est avant tout un hymne à la nature. Les descriptions sont éblouissantes, un tableau à la découverte de la faune et de la flore des Apalaches. Je me suis amusée à aller voir les photos d’espèces que je ne connaissais pas, c’est un florilège de merveilles à découvrir.
Cette nature encore sauvage, fragile, à préserver, Rash nous en montre toute sa beauté et en même temps sa fragilité à cause d’un monde qui change trop vite : le tourisme de masse qui ne voit plus « qu’à travers les photos qu’ils prennent » (tellement vrai !!!!)
Cette terre abrite le meilleur comme le pire avec une jeunesse à l’écart, accro à la meth, détruite par cette drogue qui fait des ravages, les corps qui se décharnent, se creusent, les mères ne s’occupent plus de leurs nourrissons, un est même retrouvé dans un four micro-ondes. Et pour eux, cette nature si belle ne leur fait aucun effet. Et c’est ce contraste que Rash montre qui est saisissant entre la splendeur de la nature et la décrépitude humaine.
Rash a fait raisonner en moi le cœur des Apalaches, dans la pudeur et la retenue de ses mots, il renforce le message avec ses personnages non manichéens.
Et justement c’est un peu ce qui nous divise Cath, car ces personnages sont des gens de tous les jours avec des traits positifs et négatifs. Il n’a pas croqué des portraits pour que l’on s’attache à eux ou qu’on soit attendrit. Il dresse un constat sans fioritures sur le parcours de plusieurs hommes dans leur fragilité et leurs erreurs. Bref j’ai adoré.
Si j’avais lu ton commentaire avant de lire le mien, je suis certaine que j’aurais foncé acheter le livre! Mais attention comme je le dis, le contexte, les descriptions, c’est le Rash que j’aime.. C’est juste les personnages… il y a toujours des personnages de la région dans ces livres,et ils m’ont toujours touché. Là ils me semblent tous désagréables: il n’y en a même pas un pour sauver les autres. Si ils ne sont pas désagréables, ils m’indiffèrent..
Hello les filles,
Comme promis je reviens …
Je suis triste car je passe complètement a coté de ce roman encensé de partout mais que je n’arrive pas a terminer.
L’histoire, les péripéties mais surtout les personnages m’ennuient et n’arrivent pas a me motiver pour aller au bout.
Ce mélange de Nature et Horreurs de la vie moderne (drogue, alcool, violence, exploitation a outrance, environnement en péril, j’en passe et des pires …) ne fonctionne pas pour moi !
La « zolie » fleur qui côtoie les déchets de l’humanité a quelques mètres de la, Non !
L’auteur qui contemple la beauté en péril et se pâme devant des truites (certes magnifiques) alors que ses personnages passent a travers mille maux … le mélange ne prends pas.
Je n’ai même pas envie de connaitre le coupable de service, pour moi c’est un signe…
En tout honnêteté, j’ai insisté mais Niet …
Je suis peut-être trop proche du vieux Gérald !
Ou mon état d’esprit du moment …
Au prochain livre, je vais prendre quelque chose qui secoue et me bouscule. Plus de contemplation !
Merci mes Cath ♥ & C@tW ♥ pour vos commentaires …
Je vous embrasse …
je me sens moins seule…
Quel dommage pour vous qui n’avez pas apprécié ce livre.
Pour ma part, j’ai eu beaucoup de bonheur à déguster ces instants poétiques dans la nature. Rapidement en extase, béat dans un petit nuage à écouter le chant des oiseaux et autres discussions d’écureuils.
Mais aussi ce roman noir nous décrit une société rude, dans laquelle les rapports humains sont très souvent proches de la violence.
Chaque personnage est montré englué dans ses fêlures, ses culpabilités, ses tragédies secrètes, ses traumatismes et autres douleurs non cicatrisées.
Pour autant, on ressort du récit comme apaisé, serein comme un adepte d’une secte humaniste. Tout ça n’est bien grave puisque les ruisseaux roucoulent et les arbres chantent.
La nature et les hommes; les tragédies intimes qui marquent les uns et les autres; ni bons ni méchants, chacun cherche son équilibre.
Et contrairement à Catwoman, je n’ai pas vu une description de la fragilité de la nature, mais au contraire sa force face à la fragilité humaine.
très déçue aussi car je suis une inconditionnelle de Ron Rash… mais le coté trop sombre et trop présent des personnages m’a dérangé. Tout comme Kochka, j’ai vu la force de la nature
Magnifique roman dans lequel je me suis sentie « bien ».
Il y a une intrigue mais ce n’est pas ce que j’ai trouvé le plus important.
Il y a des personnages formidables, attachants, quelques méchants aussi, il en faut bien pour faire avancer l’histoire.
Et il y a la nature de ce petit coin des Appalaches, en fait c’est elle le personnage principal qui fait agir tous les autres.
C’est un roman pour les amoureux de la nature, pour ceux qui aiment les personnages attachants.
C’est une ode à un monde qui est en train de disparaitre.
Contrairement à toi, je n’ai pas trouvé les personnages attachants et c’est ce qui m’a dérangé. Quand à l’ode au monde qui disparait, je suis bien d’accord avec toi et cela me rend si triste…
Sans plus… J’ai été au bout du livre pour le terminer mais je n’ai jamais été happée par l’histoire (creuse), ni touchée par la poésie de Ron Rash. C’est vrai que les descriptions de nature sont plutôt jolies mais je me suis vite ennuyée.