Qiu, Xiaolong «Amour, Meurtre et Pandémie» (2023) 226 pages (Série Inspecteur Chen tome 13)
Auteur : Qiu Xiaolong est né à Shanghai en 1953; c’est un auteur chinois de roman policier, poète et amateur de taï chi. . Lors de la Révolution culturelle, son père est la cible des révolutionnaires et lui-même est interdit de cours. Il soutient néanmoins une thèse sur le poète T. S. Eliot et poursuit ses recherches à Saint-Louis, aux États-Unis. Les événements de Tian’anmen le décident à s’y installer et c’est en anglais qu’il écrit la célèbre série policière mettant en scène l’inspecteur Chen ainsi que les nouvelles du cycle de la Poussière Rouge. Traduits dans vingt pays, ses livres se sont déjà vendus à plus d’un million d’exemplaires à travers le monde. L’amour de Qiu Xiaolong pour la littérature anglaise et la poésie lui vient à l’adolescence, lorsqu’une bronchite le cloue au lit. Son père, professeur, est victime des Gardes Rouges durant la Révolution culturelle des années 1960. En 1988, une bourse de la Ford Foundation permet à Qiu Xiaolong de partir aux Etats-Unis pour y poursuivre des études à la Washington University de St-Louis, dans le Missouri, et, suite aux répressions de la Place Tiananmen en 1989, il décide de s’installer définitivement aux Etats-Unis. En 1996, il obtient son doctorat en anglais avec une thèse sur T. S. Eliot. Ses livres, écrits en anglais, dont le personnage principal récurrent est l’inspecteur Chen Cao, cadre du Parti et membre de l’Union des écrivains, au-delà du roman policier, dépeignent la Chine des années 1990, les mutations socio-économiques de sa population urbaine et les bouleversements de la Chine moderne. . Qiu Xiaolong enseigne par ailleurs la littérature à la Washington University de St-Louis.
Série Chen Cao : Mort d’une héroïne rouge, Visa pour Shanghai, Encres de Chine, Le Très Corruptible Mandarin, De soie et de sang, La Danseuse de Mao, Les Courants fourbes du lac Tai, Cyber China, Dragon bleu, tigre blanc, Il était une fois l’inspecteur Chen, Chine, retiens ton souffle, Une enquête du Vénérable Juge Ti (attribuée à l’Inspecteur Chen) , Un dîner chez Min, Amour, Meurtre et Pandémie,
Page spéciale : Qiu, Xiaolong « Les enquêtes de l’inspecteur Chen »
Autres ouvrages : Cité de la Poussière rouge, La Bonne Fortune de Monsieur Ma, Des nouvelles de la Poussière rouge
Liana Levi – 04.05.2023 – 226 pages
13ème enquête de Chen Cao
Résumé:
Où sont passées les échoppes des rues de Shanghai où se pressaient les gourmets? La politique sanitaire du gouvernement les a interdites. Que sont devenues les conversations du soir de la cité de la Poussière Rouge? Les caméras omniprésentes et la surveillance sans faille des comités de quartier les ont fait disparaître. Bientôt des bulldozers raseront définitivement la cité et ses vieilles maisons shikumen. Chen, le légendaire inspecteur, ne trouve un réconfort que dans la littérature et la poésie, ultime bastion du passé où il peut encore se réfugier. Pourtant c’est à ses talents d’enquêteur que le Parti fera appel pour résoudre une série de meurtres qui touche le plus grand hôpital de la ville, déjà sous tension. Le mot d’ordre: maintenir à tout prix la stabilité tout en prônant l’efficacité de la politique zéro Covid. Au même moment à Wuhan, les victimes de cette politique se comptent par centaines et les posts des lanceurs d’alerte sont censurés. À quels morts Chen donnera-t-il la priorité?
Mon avis:
Le moins que l’on puisse dire c’est que l’auteur n’a plus intérêt à remettre les pieds dans son pays de naissance s’il ne veut pas être emprisonné à vie! Dans ce roman il dénonce, haut et clair, l’attitude du pouvoir et la gestion hallucinante de la pandémie. Certes il s’agit d’un roman sociétal mais pas que ! Il nous parle de l’envers du décor de la politique zéro Covid et de ses dommages collatéraux, du pouvoir totalitaire, de la manipulation, de la difficulté de s’aimer sous la supervision des caméras, de la répression, de l’inhumanité des politiques, de l’obéissance aveugle à des consignes aberrantes …
Nous sommes au début de la pandémie : Wuhan est totalement confinée mais c’est encore la seule ville dans ce cas; le virus se propage et le confinement commence à Shanghai. Chen va être recruté pour enquêter sur des meurtres en série aux abords de l’hôpital , ce qui est extrêmement perturbant en pleine pandémie du Covid, époque où la stabilité de la société est primordiale. Si le fameux Chen Cao démontre que les meurtres et la pandémie ne sont pas liés, sa notoriété sera le garant de la non-responsabilité du pouvoir dans ces meurtres qui ont liez aux abords immédiats de l’hôpital. Chen, couvert de titres pompeux, va enquêter en compagnie de sa secrétaire Jin pour laquelle il a des sentiments (qui sont partagés).
En parallèle, il s’engage dans deux projets personnels : traduire des poèmes classiques chinois et les illustrer d’oeuvres picturales de l’époque classique et traduire le Dossier Wuhan que lui transmet son ami Pang depuis la ville confinée et trouver un moyen de le faire publier à l’étranger en anglais.
Et toujours les citations, la poésie, l’atmosphère si particulière d’amitié qui enveloppe Chen ( des amis de toujours toujours là pour lui), les descriptions de la ville ( ici la nostalgie de la Poussière rouge), la littérature, la gastronomie ( moins cette fois mais toujours au programme)
Lisez ce roman et vous verrez ce qu’est une dictature.
On peut lire ce livre indépendamment. Pour ma part j’aime suivre les personnages depuis le début mais là les dessous de la pandémie sont carrément un vrai documentaire glaçant !
Extraits:
Traditionnellement, la période de célébration du nouvel an durait deux semaines – du premier jour du premier mois lunaire, la Fête du printemps, jusqu’à son quinzième jour, la Fête des lanternes.
Wuhan avait été au premier siècle, dans la période des Trois Royaumes, une grande ville qui comptait sur le plan culturel et historique, bien avant que Shanghai soit même mentionnée dans les livres.
« L’enfer s’est déchaîné dans la vieille ville. Il est impossible de livrer de la nourriture à Wuhan. Tous les transports sont à l’arrêt. La nuit, on entend monter de partout un chœur angoissé : “On nous fait mourir de faim !” »
« prendre une tasse de thé ». Un autre terme nouveau sur Internet, qui signifie que la Sécurité intérieure veut vous donner un sérieux avertissement.
Ils constituaient en somme des caméras humaines de surveillance mobile, patrouillant en permanence pour prévenir tout risque de troubles. Entièrement sous la coupe du gouvernement, ils se montraient aussi capables d’initiatives personnelles, et ils ratissaient tous les secteurs non couverts par les caméras.
– Vous êtes monsieur Chen Cao ?
C’était bien ce qu’il était, d’ailleurs : un exclu, un dissident et un fauteur de troubles potentiel étroitement surveillé par le Parti.
Beaucoup de ces nouvelles pratiques étaient encore totalement inimaginables à l’époque où George Orwell écrivait son 1984.
La Chine change, la Chine reste immuable.
Qui contrôle le passé contrôle l’avenir. Qui contrôle le présent contrôle le passé.
Dans l’existence, on fait un choix, on en accepte les conséquences et l’on devient ce que l’on est. Il avait fait son choix.
désormais, nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre la soif pour tirer l’eau du puits.
– Quand le monde menace de s’effondrer du jour au lendemain, nous devons néanmoins nous soucier du présent.
La langue chinoise est une langue contextuelle. Un mot est formé d’un caractère combiné à un autre. Jinling peut être le nom d’une ville, la Nankin actuelle, mais le caractère Jin lui-même peut aussi être le nom de quelqu’un, comme sa secrétaire par exemple, ou celui d’un métal précieux comme l’or. Il existe toute une variété de significations issues des différentes combinaisons des caractères.
Dans la Chine ancienne, des corbeaux tournant autour d’un arbre mort pouvaient annoncer la fin d’une dynastie déclinante.
La « Poussière Rouge », dans la langue chinoise, fait référence au monde terrestre des gens ordinaires, poussés par leurs désirs et leur vanité, et tout ce que ces passions entraînent avec elles.