Bussi, Michel «Au soleil redouté» (RLH2020)

Bussi, Michel «Au soleil redouté» (RLH2020)

Auteur : Michel Bussi a commencé à écrire dans les années 1990. Alors jeune professeur de géographie à l’université de Rouen, il écrit un premier roman, situé à l’époque du Débarquement de Normandie. Ce dernier est refusé par l’ensemble des maisons d’édition. Il écrit quelques nouvelles, s’attelle à l’exercice de l’écriture de scénarios mais sans parvenir à les faire publier. Il attendra dix ans pour que l’idée d’un roman, inspiré d’un voyage à Rome au moment du pic de popularité du Da Vinci Code de Dan Brown, s’impose. Ce succès d’édition international, ainsi que la lecture d’une réédition de Maurice Leblanc pour le centenaire d’Arsène Lupin, le poussent à se lancer dans un travail d’enquêteur. De retour à Rouen, équipé de ses cartes de l’IGN, il noircit des carnets jusqu’à pouvoir proposer, en 2006, un manuscrit intitulé Code Lupin à un éditeur régional et universitaire, les éditions des Falaises. Ce premier roman sera réédité neuf fois.
Plusieurs années seront nécessaires pour que les ouvrages de Michel Bussi, qui paraissent au rythme d’un par an, tel Mourir sur Seine en 2008, ou Nymphéas Noirs en 2011, voient leurs ventes s’envoler. Après une série de récompenses locales, grâce à ses premières éditions en livre de poche, mais surtout grâce à la sortie en rayon polar de son ouvrage maître Un avion sans elle, l’auteur géographe est propulsé sur le devant de la scène. Deuxième auteur le plus lu en France en 2016.
Une des particularités de son travail est de situer la majorité de ses romans en Normandie. Son roman N’oublier jamais, sorti en mai 2014, met « plus que jamais » la Normandie au cœur de son intrigue, tout comme Maman a tort (qui se déroule au Havre), sorti en mai 2015. Le suivant « Le temps est assassin » sorti en mai 2016, se déroule en Corse. On la trouvait plutôt jolie (2017) a pour cadre Marseille.

Ses romans : Code Lupin (2006) – Omaha crimes /Gravé dans le sable (20067/2014) – Mourir sur Seine (2008) – Sang famille (2009 – réédité 2018) – Nymphéas noirs (2011) – Un avion sans ailes (2012) – Ne lâche pas ma main (2013) – N’oublier jamais (2014) – Maman a tort (2015) – Le temps est assassin (2016) –  On la trouvait plutôt jolie (2017) – Les contes du réveil matin (2018) – J’ai dû rêver trop fort  (2019) – Au soleil redouté (2020) – Rien ne t’efface (2021)

Presses de la Cité – 6.02.2020 – 426 pages

Résumé : Au coeur des Marquises, l’archipel le plus isolé du monde, où planent les âmes de Brel et de Gauguin, cinq lectrices participent à un atelier d’écriture animé par un célèbre auteur de best-sellers. Le rêve de leur vie serait-il, pour chacune d’elles, à portée de main ? Au plus profond de la forêt tropicale, d’étranges statues veillent, l’ombre d’un tatoueur rôde. Et plein soleil dans les eaux bleues du Pacifique, une disparition transforme le séjour en jeu…meurtrier ? Enfer ou paradis ? Hiva Oa devient le théâtre de tous les soupçons, de toutes les manipulations, où chacun peut mentir… et mourir. Yann, flic déboussolé, et Maïma, ado futée, trouveront-ils lequel des hôtes de la pension Au soleil redouté… est venu pour tuer ? Un huis clos à ciel ouvert, orchestré de main de maître.

Mon avis : Nous voici en compagnie de Gauguin et Brel et non plus de Monet ou de Renaud. Et en réécoutant le disque de Brel, je me suis par ailleurs rendue compte que le titre même du livre est dans la chanson « Les Marquises » :
 « Les femmes sont lascives
Au soleil redouté
 »
et aussi « certaines autres phrases comme par exemple
« Gémir n’est pas de mise
Aux Marquises
 »

Et bien, une fois encore, je dois dire que je me laisse prendre par cet écrivain. Car une fois encore il enrobe son intrigue de nombreux éléments qui me donnent envie d’en savoir davantage.
Il a choisi une destination qui fait rêver et ne m’a pas laissée sur la plage avec un cocktail. Il m’a permis de découvrir un peu l’île : ceux qui y ont habité, ceux qui y habitent, mais aussi une partie de son histoire et de sa culture.
Le contexte : un atelier d’écriture. 5 lectrices ont gagné un concours organisé par leur auteur préféré et vont participer à un atelier d’écriture aux Marquises; certaines sont accompagnées, un mari, une mère. L’auteur montre ici l’envers de ce décor de rêve: la personnalité de cinq personnes qui veulent devenir des romancières et les raisons qui les poussent à vouloir franchir le pas, quitter le statut de lectrice et vouloir écrire et se faire publier. Il y a celles qui sont prêtes à tout quitter pour réussir, celles qui croient en leur talent, celles qui veulent écrire pour l’argent, celles qui ont quelque chose à dire… Et l’auteur va mettre un coup de projecteur sur leur psychologie, le passé qu’elles traînent derrière eux, le passif, le mal-être, le manque, les vraies motivations…
Au travers de son « huis-clos élargi » une enquête sur des crimes en série… J’ai aimé ce parcours qui m’a fait soupçonner tout le monde, d’où la référence aux romans d’ Agatha Christie… On sait que le coupable fait partie d’un nombre restreint de personnes et les acteurs du drame en viennent à se soupçonner les uns les autres. Le petit monde banal et lisse qui nous entoure est en fait un composé de personnes qui n’ont de lisse que la surface et parmi ces personnes si tranquilles se cache en fait d’atroces criminels. Et j’ai été baladée jusqu’au bout. Que se cache-t-il donc derrière la façade de chaque participant ?
Alors oui j’ai aimé et je me suis laissée embarquer par cette écriture fluide et les rebondissements multiples et variés. J’ai de plus apprécié tous les personnages, avec leurs fragilités et leurs déchirures… et ma promenade aux Marquises fut un joli moment.

Extraits :

Chacun possède son mana, il flotte autour de nous, il nous est transmis par ceux qui ont vécu avant nous, il faut juste savoir l’écouter. Appelle-le comme tu veux, don, aptitude, talent, goût, chacun possède le sien et doit le trouver, le développer, pour que la société puisse faire un tout. 

Le gris brillant du tiki tranche avec le gris terne des dalles sur lesquelles il est posé. Je remarque que l’être de pierre n’a pas dix doigts, mais vingt, serrant une plume entre ses mains. Ses deux yeux se résument à deux petits trous orientés vers le ciel.
Maïma paraît fière de me montrer celui-ci.
— Le gardien des arts, dis-je. Le mana de la créativité.

C’est si facile de parler de l’enfance avec des mots de poète ou le pinceau d’un peintre, tout en laissant sa femme élever ses gosses dans le plat pays à quinze mille kilomètres de là ! Brel et Gauguin, même combat !

Après cent ans de colonisation, seulement 2 % de la population avaient survécu, entassés dans les rares villages du bord de mer. Ici, on parle d’ethnocide ! La civilisation marquisienne a tout simplement failli disparaître… Ça a commencé, dès l’arrivée des premiers étrangers, par le pillage de masse des deux plus grands trésors des Marquises, les baleines et le bois de santal, accompagné d’un effroyable massacre des populations locales. Puis se sont répandues les maladies jusqu’alors inconnues, la tuberculose, la lèpre, la variole, la syphilis… Mais surtout, avec l’installation des fonctionnaires français et des curés, les Marquisiens ont perdu toute raison de vivre. Interdiction de chanter, de danser, de parler leur langue, de porter des colliers de fruits, de se baigner nus dans les rivières, de s’enduire le corps de coco, de safran ou de tout autre parfum, de se tatouer, d’honorer les morts… Dans aucune autre colonie française l’administration et le clergé ne sont allés aussi loin pour détruire une civilisation. Et pas n’importe laquelle : la plus ancienne de toutes les civilisations polynésiennes, l’une des plus riches du monde, celle d’où est parti le peuplement de la Nouvelle-Zélande, d’Hawaï, de l’île de Pâques, des Samoa, celle où ont été inventés le tatouage, le haka, les pirogues…

Le tatouage est un acte sacré, sexuel, un rite social total. Le tatouage, c’est le mana !

Je crois que les hommes préhistoriques au néolithique se tatouaient déjà, bien avant nous. Mais nous, les Marquisiens, avons inventé le mot. Tatu. Et nulle part ailleurs tu ne trouvais des dessins aussi raffinés… Jusqu’à ce que toute pratique du tatouage soit interdite, à partir de 1860 et jusqu’en 1970 ! Tous les motifs traditionnels auraient pu se perdre à jamais avec la disparition des derniers ancêtres tatoués.

Est-ce que tous les couples finissent ainsi ? Sans plus rien partager ? Sans plus rien mélanger ? Est-ce que tous les amoureux finissent par se contenter d’une cohabitation tant qu’elle est pacifique et chaque territoire respecté ?

C’est l’avantage d’avoir tout perdu, il n’y a plus rien à piller. Et ce qu’il reste on le cache. Pour le trouver, il faut avoir la politesse de nous le demander.

Ce n’est jamais la faute d’un miroir… Personne ne nous force à nous regarder dedans.

Fermer la porte, c’est couper le son, c’est couper l’image.

Soudain, je ne voyais plus les mots que comme des insectes dévorant ce qui me restait de vie. 

On pardonne à ceux qui deviennent des génies, les enfants de Gauguin et de Brel ont pardonné à leur père, on pardonne parfois aux pères de tout quitter. Jamais aux mères.

Me croirez-vous si je vous jure que je ne suis responsable de rien ? Que ce sont les livres, que ce sont les écrivains les coupables. Des apprentis sorciers incapables de contrôler les formules qu’ils ont inventées.
Je ne suis coupable que d’avoir voulu leur ressembler.

Je crois que son mana à elle, c’est celui du charognard, pas celui de la mort, celui qui vient juste après, si tu vois ce que je veux dire. Il paraît que les charognards sont le maillon le plus utile de toute la chaîne alimentaire, c’est du moins ce qu’elle m’a raconté, les seuls à ne jamais tuer personne pour se nourrir.

8 Replies to “Bussi, Michel «Au soleil redouté» (RLH2020)”

  1. Moi aussi, j’ai adoré voyager sur les traces de Jacques Brel et Paul Gauguin : la Polynésie mmmm un rêve que malheureusement, je ne pense pas réaliser un jour (trop d’heures d’avion…)
    Petite impression de retrouver mes souvenirs d’Agatha Christie et ses dix petits nègres…
    Et encore une fois, bluffée par le dénouement original proposé par Michel Bussi
    Et moi qui n’ai pourtant plus beaucoup de temps pour lire, j’ai sacrifié quelques heures de sommeil pour le terminer en quelques jours

  2. Bon ben moi désolée les filles mais je n’ai pas aimé et je vous explique pourquoi

    Le récit se situe dans les marquises. Cinq lectrices fans du célèbre écrivain PYF (Pierre-Yves François) sont invitées après avoir été choisies par les Editions Servane pour assister à un atelier d’écriture.
    C’est une enquête policière mode Cluedo, dans un huis clos où tout le monde se méfie les uns des autres, après un premier meurtre. Le suspens est bien là (c’est pour moi le seul point positif du livre) autour de la question pendant les 400 pages du livre : qui a tué ? et quelle sera la prochaine ? à quelques détails près.
    Mais c’est le style qui faillit, à trop vouloir être dans l’air du temps en citant : Johnny Dep, Johnny, Nrj, les Tropéziennes et des expressions courantes dans le langage parlé : « flic qui se la joue » « les bobos » « insectes qui vous sucent le trognon » font de ce livre un ensemble très commercial et sans valeur littéraire.
    Les personnages manquent de réalisme : l’ado de 16 ans qui « se la joue » (hé oui je parle à la Bussi !!!) inspectrice et psychologue et qui dénoue certaines énigmes mieux que le policier dont c’est le métier. Et que dire de l’éditrice Servane, dont le trait n’est pas forcé mais est carrément grossier. Il n’y a qu’à lire ces quelques citations ci-dessous pour se rendre compte de la médiocrité littéraire. Bref une impression d’avoir perdu mon temps.

    « Et cerise sur le gâteau, ou litchi sur le flan coco si tu préfères, je quitte l’île en emportant sous le bras le manuscrit d’Eloïse,… »

    « Tout le reste n’est que délire d’une gamine qui a un peu trop regardé Tolally Spies et Scoubidou »

    « S’il croit que je vais me laisser cueillir comme une fleur de tiaré ! Je me débats. »

    « Je lui demande pas de bouger, précise Servane, enfin juste les lèvres, ça devrait aller, non ? Soyez gentille, c’est important ce que j’ai à lui dire va la remplumer plus rapidement que vos clafoutis passion-tutti frutti ! »

    « Allô, allô, les bananes ? Vous me captez ? On se bouge vos jolies fesses bien bronzées, grâce à mon pognon d’ailleurs, alors accélérez ! Il est 18 heures ici à Paris, j’ai un cocktail aux Deux-Magots dans une heure, donc on se secoue les puces, les bobos, ou je ne sais quels insectes qui vous sucent le trognon dans votre pampa. Ah… »

    « Allô, allô ? Il y a quelqu’un ? Vous me voyez ? Vous êtes noyés ? Vous avez été tous engloutis par un tsunami ? »

    Bussi a écrit : Jamais sans elle et moi je me dis : Plus jamais avec moi !!!

    C’est marrant Cath, on n’a pas du tout les mêmes citations. Il faut dire que les miennes ne méritaient pas d’être écrites et encore moins du coup d’être citées (hihihi…)

    1. t’es dure! moi les phrases que tu cites m’ont fait sourire …
      et l’intrigue est super bien ficelée..
      Mais je sais que parfois, nos avis divergent …

  3. Je crois qu’il se nuit à aller de plus en plus dans ce registre, c’est comme les mauvais acteurs qui se sentent obligés de surjouer.
    Oui son intrigue a du rythme et du suspense, oui c’est plutôt bien ficelé mais ses personnages sont trop caricaturaux. Du coup ça perd en crédibilité. Après je ne lui en veux pas de ne pas faire de la grande littérature, on ne lit pas Bussi pour cela. Mais quand même !

  4. A mon tour de donner mon son de cloche !
    Je trouve que Bussi est un auteur léger agréable à lire dont la qualité principale (certains méchants diraient « la seule ») est la construction haletante tenant le lecteur en haleine et l’amenant à la surprise finale. Il ne faut pas s’attendre à des personnages profondément décrits, ni analyse psychologique ou sociologique, ni description poétique ou botanique etc.
    Simplement un bon moment de distraction, avant de passer à quelque chose de plus costaud, comme par exemple … à chacun de compléter selon ses goûts.

  5. Et bien moi je n’ai pas aimé du tout! Fan de la première heure, je suis maintenant souvent déçue par les romans de Bussi..Il a réussi Les nympheas noirs, livre qui l’a propulsé en tête des ventes. Et depuis ce livre j’ai l’impression qu’il tente de créer la surprise à tout prix…A mon avis, au détriment de la narration..Après l’avoir lu et m’être dit que c’était une grosse daube, je suis allée voir les avis des lecteurs sur plusieurs sites. Là j’ai été très surprise de constater que les commentaires étaient dans l’ensemble très elogieux..Çà doit être moi..pas gentille..voire grognon…

  6. moi je dois dire que j’aime bien cet auteur, même si pour le moment il n’a rien fait de mieux que « les Nymphéas noirs »…

  7. Pas lu tous les romans de Michel Bussi.
    J’ai beaucoup aimé « Code Lupin » et « Nymphéas noirs ».
    Ici, retrouver Brel et Gauguin aux Marquises m’a bien plu…
    Les phrases mentionnées dans le 2e commentaire ne m’ont pas dérangée…
    Ce serait peut-être le cas chez un auteur dont les scenarii seraient ancrés dans une autre époque.
    Bonne intrigue à lire au bord d’une plage, au bord du Léman

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