Dos Santos, José Rodrigues « Le Magicien d’Auschwitz (2021) 476 pages

L’auteur : José António Afonso Rodrigues dos Santos, né le 1er avril 1964 à Beira au Mozambique, est un journaliste et écrivain portugais. Il est actuellement le présentateur phare du journal télévisé de 20 h de la chaîne publique RTP1. Journaliste, reporter de guerre, présentateur vedette du journal de 20h au Portugal, José Rodrigues dos Santos est l’un des plus grands auteurs européens de thrillers historiques, plusieurs fois primé. En 2000, il obtient son doctorat en sciences de la communication avec une thèse portant sur les reportages de guerre, « Crónicas de Guerra », à l’Université nouvelle de Lisbonne, il y est également professeur.
Série Tomás Noronha : La Formule de Dieu (2012), traduit dans plus de 17 langues et en cours d’adaptation au cinéma, L’Ultime Secret du Christ (2013), La Clé de Salomon (2014) – suite de La Formule de Dieu –, Codex 632 (2015) , Furie divine (2016), Vaticanum (2017), Signe de vie (2018), Immortel (RL2020), Ames animales (2022) , La Femme au dragon rouge (2023)
Série Calouste Gulbenkian « L’homme de Constantinople » (2019) suivi de « Un millionnaire à Lisbonne» (2020) .
Série Francisco Latino : Le Magicien d’Auschwitz (2021) – Le Manuscrit de Birkenau (2021)
Autres: Spinoza, l’homme qui a tué Dieu, (2023) – Oubliés (2024)
HC Editions Hervé Chopin – 21.10.2021 – 445 pages / Pocket – 06.10.2022 – 552 pages (Traduit du portugais par Adelino Pereira.)
Série Francisco Latino : Le Magicien d’Auschwitz (2021) – Le Manuscrit de Birkenau (2021)
Résumé: (Tome 1)
Prague, 1939. Les troupes du Reich entrent dans la ville. De sa fenêtre, Herbert Levin aimerait les faire disparaître comme, sur scène, un illusionniste escamote ses colombes. Lui-même magicien sous le nom du « Grand Nivelli », l’homme espère trouver chez les SS, ces grands mystiques amateurs d’occulte, un public trop naïf pour percer son secret. Car Levin est juif, comme toute sa famille… Croire ou ne pas croire…
C’est toute la tragédie de ces années barbares, où nul ne veut croire au mal absolu. Levin y sera bientôt confronté, là-bas, dans la boue de la Pologne, au coeur gris de l’enfer…
Cette œuvre de fiction est inspirée de faits réels.
Mon avis:
Tout d’abord je préviens : A mon avis cela aurait du être un seul « pavé » et à la fin du premier tome, on est au plein milieu de l’histoire. A la fin du roman, pas d’autre solution que d’enchainer directement sur la suite.
Un vrai coup de point, un témoignage de ce que furent les camps de concentration et les actions des SS… une vision d’horreur absolue… mais un livre qui devrait être lu par tous, surtout en cette période ou l’antisémitisme ne fait plus partie du passé… Tout le monde devrait savoir..
Comme c’est le cas dans tous les romans de cet auteur, le coté historique est toujours extrêmement présent et très bien documenté. Il s’est basé sur des manuscrits retrouvés enterrés près des fours crématoires.
Dans le roman on suit deux personnages :
– Herbert Levin, magicien juif connu sous le nom de Nivelli (sa femme et son fils).-
– Francisco Latino, Portugais engagé dans la légion étrangère espagnole qui va se retrouver sur le Front de l’Est pour contrer les Russes. Au début on ne comprend pas très bien ce que Francisco vient faire dans l’histoire sa présence va s’expliquer par la suite. Et dans ce premier tome il deviendra pour moi nettement plus le personnage principal que le « magicien ». Il se retrouvera à Auschwitz et bien qu’ayant été légionnaire pendant la guerre d’Espagne et avoir vu des horreurs, il se trouvera projeté dans un monde surréaliste, tant par les comportements que par les explications et justifications des actions.. Il découvrira non seulement les monstruosités commises par les Allemands mais aussi le rôle des juifs dans les fours crématoires…
Le premier tiers du roman se déroule avant l’arrivée dans le camp de concentration. On vit avec Levin la dégradation de la situation des juifs. On fait sa connaissance à Prague, au moment où les juifs sont persécutés et les interdictions d’exercer leurs métiers et fonctions entrent en vigueur ainsi que les interdictions de fréquenter les lieux publics. On va croiser des Nazis comme Hendrix Avec lui on commence par découvrir à quel point l’astrologie, l’occultisme, l’ésotérisme sont présents dans la mentalité et l’action des responsables nazis. Je le savais déjà mais je n’imaginais pas que c’était poussé à ce point !
On va suivre le parcours des déportés, d’abord vers Terezín (Theresienstadt) puis Auschwitz. La « visite » des camps est gravée à jamais dans ma mémoire. Auschwitz se compose d’une quarantaine de camps (Auschwitz I , Auschwitz II-Birkenau, Auschwitz III – Monowitz …)
En parallèle on suit le parcours de Francisco et son compagnon de guerre, Juanito. Bien que légionnaire, il va se révéler moins barbare que ses co-légionnaires, va tomber amoureux d’une jeune fille alors que ses amis s’envoient en l’air avec ses soeurs, des prostituées. Et cet amour va le mener jusqu’aux camps de concentration…
Comme l’explique l’auteur dans une « Note finale », il a pu écrire ce livre grâce à des témoignages « il existe un type de témoignages des Sonderkommandos qui remonte à la période où les événements se sont produits. Il s’agit d’un ensemble de manuscrits rédigés par des membres de l’unité spéciale au moment des gazages, qui ont été enterrés à proximité des crématoires afin qu’on les découvre plus tard, une fois les camps libérés. Tous leurs auteurs ont été tués, à l’exception de Marcel Nadsari, mais leurs manuscrits nous sont parvenus. Ils constituent les récits les plus terrifiants de ce qu’il s’est réellement passé dans les chambres à gaz.
Quelques jours seulement après la libération d’Auschwitz-Birkenau, en février 1945, on a trouvé le premier de ces documents, un texte en français de Chaim Herman, et le mois suivant, certains des textes les plus importants, les manuscrits en yiddish de Zalmen Gradowski, Schreiber du crématoire numéro 3, puis, en avril, celui de Leib Langfus, Dayan des Sonderkommandos, lui aussi en yiddish. Sept ans plus tard, en 1952, fut découvert un autre texte non signé, mais également attribué à Langfus, puis en 1961 et 1962, deux textes de Zalmen Lewental, également en yiddish. Un dernier manuscrit est apparu en 1980, écrit en grec par Marcel Nadsari, presque illisible et qui n’a été restauré qu’en 2017. »
Un livre qui va rester dans ma mémoire. Un livre qui est d’une violence rare mais qui n’est rien moins que la révélation de ce qui est advenu en réalité. Il faut se blinder pour le lire, se pincer pour y croire, et pourtant on sait bien que c’et la stricte vérité. Je pense qu’il a dû fallu beaucoup de courage et de talent pour se pencher dans cette documentation historique et arriver à en tirer un livre avec deux « histoires » dans l’Histoire. Je sais que je ne suis pas – et loin de là – au bout de l’horreur mais j’enchaîne directement sur Le Manuscrit de Birkenau qui ne semble être la suite directe de cette histoire (plus qu’un tome 2).
Extraits:
Aleister Crowley était le magus des magus, un géant de l’occultisme, la grande autorité en matière de phénomènes paranormaux. (…) Le nom du grand magus ne laissait personne indifférent dans le milieu de la magie. Fondateur de la secte Thelema et auteur d’une vaste œuvre ésotérique, le mystique anglais avait appartenu à l’Ordre hermétique de l’Aube dorée avant de devenir le chef de la section britannique de l’Ordo Templi Orientis, un ordre occultiste basé en Allemagne.
Prague ?
—Ma femme y avait de la famille. Et puis, n’oubliez pas qu’avec le Golem, Méphistophélès, Kafka et tout le reste, cette ville est l’une des plus mystiques d’Europe. Quel meilleur endroit pour un magicien ?
je suis un magicien, et je sais que derrière chaque tour, il y a un truc. La magie est illusion, c’est pour ça qu’on parle d’illusionnisme.
Il ne pouvait se permettre de laisser transparaître sa peur. L’être importait peu, seul comptait le paraître ; c’était comme ça dans l’illusionnisme et c’était comme ça aussi dans la vie.
la SS avait deux missions. L’une est constructive. La SS est l’école des chefs de demain, l’élite de l’élite, ce genre de choses. L’autre est répressive. Il incombe à la SS d’éliminer les ennemis de l’Allemagne, ceux qui veulent détruire la civilisation et entraîner l’humanité dans les ténèbres.
Le yiddish est le dialecte des Juifs ashkénazes d’Europe centrale et orientale, basé principalement sur l’allemand, tandis que le ladino est un dialecte des Juifs séfarades de la péninsule Ibérique, essentiellement fondé sur le castillan. La majorité des Juifs cultivés d’Amsterdam étaient portugais et le portugais était leur première langue, mais ils utilisaient le castillan comme langue littéraire. C’est pourquoi le ladino est dérivé du castillan, avec un peu de portugais. Or, le castillan et le portugais sont des langues latines, tout comme le roumain et…
Un petit Juif innocent aujourd’hui deviendra un méchant Juif coupable demain
Le meurtre des Juifs est terrible, personne ne le nie. C’est extrêmement pénible. Mais couper une jambe gangrenée est tout aussi difficile, non ? Il faut pourtant le faire pour sauver le reste du corps. C’est la même chose. Les Juifs sont la jambe gangrenée et l’humanité est le corps. Nous devons couper la jambe pour sauver le corps.
Chaque fois que nous doutons, et la plupart d’entre nous doutent, nous devons nous rappeler que nous sommes la SS, nous sommes l’élite, nous faisons le travail que personne d’autre ne veut faire, le sale boulot qui doit être fait pour le bien de l’humanité.
Tu es un SS. La SS n’est pas un ordre militaire, c’est un ordre initiatique ! Tu n’es pas un soldat, tu es un moine guerrier. Nous tous, les SS, nous sommes au service de forces que nous ne comprenons pas, des forces qui viennent du cosmos et nous relient à la transcendance ! Nous sommes l’homme nouveau. Notre destin est de détruire l’homme-animal et de créer l’homme-Dieu ! Telle est notre mission.
Sans témoin, il n’y a pas d’histoire puisque les morts ne parlent pas. Cela s’est produit, mais puisque personne n’a survécu pour raconter ce qui s’y est passé, c’est comme si rien ne s’était passé.
Le temps qui passe, c’est la vérité qui s’enfuit, dit une vieille maxime française, et on pourrait en dire autant des souvenirs. Le temps joue avec eux. Il les efface, les reconstruit, voire les falsifie, un phénomène bien connu des neurosciences.
Informations:
L’Ahnenerbe, traduit par « Héritage ancestral » (ou plus exactement Ahnenerbe Forschungs und Lehrgemeinschaft, c’est-à-dire « Société pour la recherche et l’enseignement sur l’héritage ancestral »), était un institut de recherches pluridisciplinaire nazi, créé par le Reichsführer-SS Heinrich Himmler, Herman Wirth et Walther Darré le 1er juillet 1935. Intégré aux SS en janvier 1939, l’Ahnenerbe avait son siège à Munich. L’institut avait pour objet d’études « la sphère, l’esprit, les hauts faits et le patrimoine de la race indo-européenne nordique » avec comme outils la recherche archéologique, l’anthropologie raciale et l’histoire culturelle de la race aryenne. Son but était de prouver la validité des théories nazies sur la supériorité raciale des Aryens sur les races supposées inférieures ainsi que de germaniser les peuples qui occupaient le Lebensraum nazi. (Wikipedia)