Tuti, Ilaria « Le bal des vautours » (2025) 419 pages (Série Teresa Battaglia – tome 5)

Auteure : Née le 26 avril 1976, Ilaria Tuti vit à Gemona del Friuli, au nord-est de l’Italie. Passionnée de photographie et de peinture, elle a étudié l’économie et a travaillé comme illustratrice.
Série Teresa Battaglia : Véritable phénomène dans son pays, « Sur le toit de l’enfer » (« Fiori sopra l’inferno ») premier volet de sa série autour de Teresa Battaglia, lui a valu d’être surnommée par la presse italienne la « Donato Carrisi au féminin ». Le tome deux « La nymphe endormie » (« Ninfa dormiente ») parait en 2018 (2019 pour la traduction française), le tome trois « A la lumière de la nuit » (Luce della notte) en 2021 , le tome quatre « Fille de cendre » (Figlia della cenere) en 2022, le tome cinq « Le bal des vautours » (Madre d’ossa) en 2025 – Tome 00/ Presque (La ragazza dagli occhi di carta) 2015 –
Autres romans : « Isabel » 2012 « Fleur de Roche» 2023 (Fiore di roccia 2020) – Risplendo non brucio (2024) – Les Femmes d’Endell Street (Come vento cucito alla terra (2022) –
Robert Laffont – La bête noire – 14.08.2025 – 419 pages – (Madre d’ossa 2023 Traduit de l’italien par Johan-Frederik El-Guedj)
Résumé: « Je n’ai pas tué ce garçon, j’étais là pour le sauver. » ; Sur les bords du lac de Cornino, dans le nord de l’Italie, gît le cadavre d’un jeune homme. De son corps scarifié à la vidéo publiée sur ses réseaux, tout porte à croire qu’il s’est suicidé. Mais alors, que fait l’ex-commissaire Teresa Battaglia à ses côtés ? Elle ne sait ni comment elle s’est retrouvée là, ni quelle est l’identité du malheureux ; pourtant, la clé du mystère semble se cacher dans sa mémoire, rendue défaillante par un Alzheimer galopant.
Soutenue par ses amis, Teresa devra lutter contre les assauts de sa maladie pour faire la lumière sur cette affaire, où s’entremêlent légendes locales et traditions occultes. Jusqu’à se compromettre ?
Mon avis:
Un conseil : ne commencez pas la série par celui-ci ! Teresa est l’héroïne de la série mais elle est en bout de course et si vous ne connaissez pas son passé, vous serez largués et vous n’auriez pas envie de lire les précédents. Il faut impérativement lire cette série dans l’ordre
Tellement contente de retrouver Teresa Battaglia. C’est un tour de force d’Ilaria Tuti de mettre au centre du roman la Commissaire écartée de son poste pour cause de maladie d’Alzheimer; Teresa se bat contre la maladie et en même temps est partie prenante de l’enquête. Le suspense est à plusieurs niveaux : l’enquête et le comportement de Teresa. Et son équipe fait bloc autour d’elle, l’amitié et la compassion – jamais la pitié – prévalant toujours au sein du groupe.
Teresa se présente maintenant comme une femme forte et fragile à la fois, sujette à des réactions violentes et à des moments d’abattement, avec des blancs de plus en plus nombreux mais aussi des souvenirs qui remontent. Et toujours le besoin de protéger ceux qu’elle aime. Le personnage devient de plus en plus interessant, pris dans la tourmente : est-elle témoin, coupable ? Pourquoi se retrouve-t-elle impliquée dans cette affaire? Est-elle coupable de quelque chose ?
Certains vont peut-être trouver la maladie très présente dans ce livre. Moi j’ai trouvé particulièrement bien intégré à l’intrigue et de plus extrêmement interessant pour ceux qui se trouvent de près ou de loin confrontés à cette maladie. Cela donne un coté humain et terriblement réaliste au roman.
Il y a bien sûr le coté historique et archéologique du roman. Ilaria Tuti nous fait visiter le Friuli et ses grottes, la civilisation antique. J’ai découvert Cividale del Friuli et son Pont du diable, une ville située à l’est de Udine, à l’est de la région de Friuli sur la rivière de Natisone et à proximité de la frontière de la Slovénie. J’ai découvert l’existence des momies de Venzone, les morts sans repos, le nain de la tombe 59 de la nécropole…
Comme j’aime les différentes mythologies, j’ai aimé les allusions à la déesse égyptienne Nout, à Isis et Osiris. Il y a aussi beaucoup d’informations sur les rituels dans différents endroits et différentes époques ( Albanie : un rituel dans lequel les femmes, et elles seules, exhumaient chaque année les restes des morts, lavaient les os et buvaient du vin dans le crâne de leurs êtres cher; scarification sur les morts pendant le néolithique, époque où les os étaient sacrés, ils constituaient une porte vers la régénération) …
Quant à l’enquête et les interactions entre les différents personnages, je vous laisse le plaisir de vous ronger les sangs et de trembler pour Teresa et pour les autres protagonistes.
J’ai malheureusement bien peur que ce soit la dernière apparition de Teresa, mais je ne peux m’empêcher d’espérer que je me trompe…
Extraits:
Il gardait à l’esprit ce que lui avait dit un médecin, en larmes, à propos de la maladie d’Alzheimer dont souffrait Teresa : essayer de la ramener à la réalité, de rationaliser ses comportements ou ses paroles n’aurait fait qu’exacerber son désarroi, puis le transformer en colère et en terreur d’enfant esseulée. Au lieu de cela, il devait apprendre à simplement l’accompagner sur ce chemin douloureux. Apprendre l’art de ne jamais lui faire sentir qu’elle se trompait.
Les souvenirs sont comme les feuilles d’automne, songea-t-elle. Fugaces, légers et morts.
Elle essayait de sauver la seule chose qui lui restait et sur laquelle elle conservait du pouvoir : le présent.
Elle était confrontée à l’énigme la plus épineuse de sa carrière : une enquête sur elle-même.
J’éprouve de la compassion.
C’était peut-être le leitmotiv de son existence : cum patior, souffrir avec l’autre, quel qu’il soit, même s’il s’agit du diable. Les chutes désastreuses réveillaient son empathie. Elle ne pouvait s’empêcher d’en éprouver. Sans doute parce qu’elle avait elle-même chuté plusieurs fois, et qu’elle ne se relèverait jamais de cette ultime dégringolade.
les gens devenaient de plus en plus indifférents aux difficultés des autres. Nous n’avons plus l’habitude de vraiment rencontrer l’autre (…)
La spirale appartenait aux proto-écritures paléolithiques qui avaient précédé de plusieurs millénaires l’écriture sumérienne : tourbillons, vagues et filets.
l’empathie était une arme à double tranchant, qu’elle supposait d’ouvrir la porte de sa vie à une douleur qui ne l’affectait pas directement.
Les dominos sont originaires de Chine. Au XIIIe siècle, ils étaient également utilisés comme instrument de divination : on lançait les pièces pour prédire l’avenir.
Peut-être que toute cette pluie soudaine était seulement une douleur délavée, un passé malheureux qui s’écoulait et dont la lame avait servi à trancher les liens tourmentés.
Sur le chemin que nous venons d’emprunter, il y a une pierre où est gravée une marelle qui remonte aux Templiers. Symbole préhistorique du labyrinthe, elle représentait à l’époque médiévale la route idéale vers la Terre sainte.
Sur cette terre, dans de nombreux récits, les croyances religieuses et le folklore sont une seule et même chose.
Information/ Explication:
Scramasaxe : Apparu en Europe au Vème siècle, le scramasaxe est une arme caractéristique du monde mérovingien. Dans son Histoire des Francs, Grégoire de Tours rapporte que c’est avec cette arme que le roi Sigebert est assassiné en 575.
Un scramasaxe est une arme blanche franque et, pour certains types, pangermanique (saxonne, viking, wisigothique, etc.). Il s’agit d’un coutelas semi-long à un tranchant long sur un côté de la lame, l’autre côté n’étant affûté qu’à son extrémité (dernier tiers de la lame environ).
Image : Os sphénoïde