Higashino, Keigo «Les miracles du bazar Namiya» (2020)
Auteur : Keigo Higashino né le 4 février 1958 à Osaka sur l’île d’Honshū, est un écrivain japonais, auteur de romans policiers.
Il est l’auteur d’une série qui met en scène le Physicien Yukawa : Le Dévouement du suspect X (2011) , Un café maison (2012), L’Équation de plein été (2014)
Et de plusieurs autres romans : La Maison où je suis mort autrefois (2010) – La Prophétie de l’abeille (2013) – La Lumière de la nuit (2015) – La Fleur de l’illusion (2016) – Les doigts rouges (2018) –
Collection Exofictions : « Les miracles du bazar Namiya » (2020)
Actes Sud – Collection Exofictions – janvier 2020 – 384 pages (traduction : Sophie Refle)
Résumé : En 2012, après avoir commis un méfait, trois jeunes délinquants se réfugient dans une vieille boutique abandonnée pour s’y cacher jusqu’au lendemain. Dans le courant de la nuit, quelqu’un glisse une lettre par la fente du rideau métallique. Lorsqu’ils l’ouvrent, les trois compères découvrent qu’elle contient une requête adressée à l’ancien propriétaire, qui s’était taillé une petite notoriété dans le quartier en prodiguant des conseils de toutes sortes à ceux qui lui écrivaient. Mais la lettre a été écrite… trente-deux ans auparavant. Ils décident de répondre à cette mystérieuse demande de conseil et déposent leur missive dans la boîte à lait à l’arrière de la boutique, comme l’ancien tenancier avait coutume de le faire. Aussitôt, une nouvelle lettre tombe par la fente du rideau métallique, elle aussi venue du passé… L’espace d’une nuit, d’un voyage dans le temps, les trois garçons vont infléchir le cours de plusieurs destinées, sans se douter qu’ils vont peut-être aussi bouleverser la leur.
Admiré pour la mécanique parfaite de ses intrigues policières, Keigo Higashino fait une incursion dans le fantastique et réussit un petit miracle de roman, touchant et profondément humaniste.
Mon avis : J’ai lu tous les romans policiers de cet auteur et j’étais très curieuse de le découvrir dans un autre registre : le fantastique – science-fiction.
J’ai beaucoup aimé une fois encore l’atmosphère dans lequel baigne le récit. A cheval sur le passé, le présent et l’avenir.
C’est l’histoire d’une boite aux lettres magique. Il suffit de déposer une lettre en exposant ses soucis et le lendemain de venir chercher la réponse à votre demande. Et cela dure depuis longtemps… ou plutôt la boîte semble soudain réactivée la nuit où trois jeunes cambrioleurs trouvent refuge dans le bazar abandonné où se trouve la boite aux lettres.
Les lettres vont nous faire voyager dans le temps et accompagner plusieurs personnages tout au long de leur vie. Un roman qui nous fait passer du temps des lettres écrites à la main à l’ère de l’ordinateur et du portable. Un roman qui parle de la société japonaise et qui évoque des sujets de société, comme par exemple l’évaporation des personnes ( Voir article sur le roman de Thomas B. Reverdy « Les évaporés » – Un roman japonais (2013) ) ; la place de la femme dans la société, les orphelinats, la politique, l’amour, l’importance de croire à la réalisation de ses rêves… De nombreux thèmes sont évoqués, toujours avec la grâce et la subtilité qui caractérise l’auteur. L’élément essentiel : les choix que l’on fait déterminent notre vie. Il est bon de demander conseil mais le choix final nous appartient.
Des personnages attachants dont les vies se croisent et se recroisent, comme l’histoire nous le fera découvrir. Très joli moment de lecture même si je dois dire que je préfère quand même les romans policiers de cet auteur. Dans tous les styles, l’auteur est passé maître dans l’imbrication des histoires et des détails et que le charme opère.
Extraits :
— J’ai l’impression qu’il y a un écart temporel entre l’intérieur et l’extérieur de la maison. Le temps ne passe pas de la même façon. Et ce qui paraît long ici n’est qu’un instant dehors.
La personne dont je parle n’appartient pas au même monde que nous. Ce que je veux dire, poursuivit-il en désignant les trois lettres, c’est qu’il s’agit de quelqu’un du passé.
— Comment ça, du passé ? lâcha Atsuya d’un ton irrité.
— Ma théorie, c’est que la fente dans le rideau métallique et la boîte à lait sont toutes les deux reliées au passé. Lorsqu’une personne du passé glisse une lettre par la fente du rideau de fer du bazar Namiya, on la reçoit ici, dans notre présent.
Se préoccuper des autres sans que cela soit absolument nécessaire n’apportait rien de bon.
Ses derniers mots pour moi ont été : “Merci de m’avoir fait rêver.”
Et que l’idée que je puisse renoncer à mon rêve lui était encore plus pénible que la perspective de la mort. Que même si nous étions physiquement éloignés loin de l’autre, nous étions toujours ensemble dans nos cœurs. Que je n’avais pas de soucis à me faire. Qu’il souhaitait que je continue à chercher à réaliser mon rêve. Je ne devais pas m’inquiéter. Il fallait que je continue, pour ne pas avoir de regrets.
— Quelqu’un qui s’habille bon marché devient lui-même bon marché, affirmait-elle.
Elle ajoutait qu’elle ne voulait pas dire qu’elle pensait qu’une telle personne avait l’air de manquer de valeur, mais qu’elle en manquait véritablement. Selon elle, c’était inévitable.
Moi, je crois que ce qui compte, c’est d’écrire quelque chose. Parce que ça arrive souvent que ça aide quand quelqu’un écoute ce qu’on a à dire. Cette fille, elle souffre parce qu’elle peut parler à personne de son problème. Et on n’a pas besoin de lui répondre grand-chose, juste qu’on comprend ce qui la tourmente, et qu’on lui souhaite bon courage. À mon avis, ça peut que lui faire du bien.
Les liens qui unissent les gens les uns aux autres se rompent sans raison concrète. Non, même si l’on devait voir quelque chose, ce ne serait que la manifestation de cette rupture, un genre de justification a posteriori. Parce que si la rupture n’était pas déjà consommée, l’une des deux parties aurait déjà essayé de les réparer.
One Reply to “Higashino, Keigo «Les miracles du bazar Namiya» (2020)”
Je l’ai lu aussi et j’ai adoré, comme j’aime tout ce que fait Higashino en général. Il me reste quelques polars traduits en français à lire encore, et j’attends que le reste soit traduit… J’adore cet auteur, il a un regard très intéressant sur la société et il soulève quelques lièvres, en particulier l’indigence du programme social, mais il met aussi en lumière la psyché japonaise et ses grandes qualités d’honneur, de dignité, de don de soi. Je crois que c’est mon auteur de polars préféré.