Varesi, Valerio « La main de Dieu » (2022)

Varesi, Valerio « La main de Dieu » (2022)

Auteur : Valério Varesi est né à Turin le 8 août 1959 de parents parmesans. Diplômé en philosophie de l’Université de Bologne après une thèse sur Kierkegaard, il devient journaliste en 1985. Il est l’auteur de onze romans au héros récurrent, dont « Le Fleuve des brumes » nominé au prestigieux prix littéraire italien Strega ainsi qu’au Gold Dagger Award en Grande Bretagne. Les enquêtes du commissaire Soneri, amateur de bonne chère et de bons vins parmesans, sont traduites en huit langues. Admirateur de Giorgio Scerbanenco (Scerbanenco : voir auteur lettre « S »)

 Les enquêtes du Commissaire Soneri 
10ème tome de la série des enquêtes du commissaire Soneri (7ème traduit en français)
Ultime notizie di una fuga (1998) – Bersaglio, l’oblio (2000) – Il cineclub del mistero (2002)– Le Fleuve des brumes (2016) – La pension de la Via Saffi (2017) prix Violetta Negra –  Les ombres de Montelupo (2018) – Les mains vides (2019) – Or, encens et poussière (2020) – La maison du Commandant (2021) – La main de Dieu (2022) – « Ce n’est qu’un début, commissaire Soneri » (2023) –

Editeur Agullo – 05.05.2022 – 343 pages (– traduction : Florence Rigollet) – Paru sous le titre « La mano di Dio » (2009)

Résumé :
 » Moi, j’appartiens à ces forêts, et eux, ils considèrent que la forêt leur appartient. Toute la différence est là.  » Une nouvelle enquête du commissaire Soneri qui nous entraîne jusqu’à un village isolé des Apennins, dans un paysage de neige, d’arbres et d’eau menacé par des intérêts économiques. Sous le plus vieux pont de Parme, le corps d’un homme émerge du rivage boueux. Il a été assassiné, puis jeté à l’eau on ne sait où et emporté par le courant.

Le commissaire Soneri, se fiant comme toujours à son instinct, décide de remonter le fleuve. Par un après-midi froid et pluvieux, son voyage vers les origines l’amène dans un village isolé des Apennins, près d’un col autrefois parcouru par les marchands et les pèlerins et désormais fréquenté par les vendeurs ambulants non européens et les  » mules  » de la drogue. Les villageois parlent peu et à contrecœur, l’hostilité envers l’étranger, qui plus est le flic, est évidente.
Soneri découvre malgré tout l’identité de la victime – un entrepreneur local riche et redouté – dont le nom est lié à un violent conflit d’intérêts sur l’avenir de ces montagnes. Au fil des jours, l’enquête devient de plus en plus inquiétante, tandis que le commissaire s’échine à trouver la bonne piste parmi des chemins impénétrables qui se perdent dans un paysage intact de neige, d’arbres et d’eau.
Dans ce décor qui le fascine et le bouleverse à la fois, il croise des personnages bizarres, rassemblés dans une sorte de communauté des bois, et un prêtre dérangeant à la foi subversive, confiné par punition dans ce lieu oublié de Dieu…

Mon avis :
Encore un magnifique moment de lecture. C’est d’ailleurs récurrent : Valerio Varesi est synonyme de coup de cœur depuis des années.
Alors je vous invite à le rejoindre dans la Haute Montagne au-dessus de Parme, plus particulièrement la région de la Via Francigena dans les Apennins. …une nature que certains souhaitent préserver et d’autres détruire pour des questions financières (construire des infrastructures touristiques)
Nous allons découvrir Monteripa, son clan d’habitants riches et les autres, et crapahuter dans la neige (devrais-je dire « Les neiges » ?) en compagnie de Soneri, du garde forestier Afro qui se désespère de voir sa montagne et ses forêts être la cible de destructeurs. Afro n’est d’ailleurs pas le seul, il y a également Ribot, les habitants des hauteurs, une communauté chrétienne, les Faunes. Et fréquenter ceux qui voient le village mourir et qui en souffrent, et ceux qui n’y prêtent pas attention… La problématique de la désertification des lieux isolés et de la destruction de la nature est au cœur du problème de société qui sert d’écrin au petit bijou que nous offre Varesi.
Et pour ce qui est de l’enquête, le suspense a été jusqu’à la dernière page.  Qui a tué ? Pourquoi ? Vous allez le découvrir en compagnie de Soneri bloqué dans les hauteurs du fait des conditions climatiques, isolé aussi car il n’a pas de réseau. Et comme si cela ne suffisait pas, il y a les flics et les magistrats de la vallée qui agissent en dépit du bon sens et contrecarrent les efforts de Soneri.
Tout cela commence par la découverte d’un corps : un corps qui a descendu le fleuve pour aller s’échouer sous le plus vieux pont de Parme…
Comme toujours en compagnie de Soneri, on baigne dans la nature des environs de Parme – parfois sur les rives du fleuve et parfois dans les montagnes. Et comme le Commissaire est un bon vivant, un flic de la vieille école, qui a les pieds dans la terre, les relations sociales avec les gens du cru et la gastronomie italienne régionale sont toujours présentes au cours de ses enquêtes. Là ou les autres policiers se font des ennemis, lui arrive à établir le contact. Encore faut il que les autres ne viennent pas tout foutre en l’air par leurs actions intempestives.
Il en va de la société comme de la nature : il faut agir en voyant loin et non pour le profit immédiat avec pour résultat le saccage de tout ce qui vaut la peine d’être préservé !
Dans les livres de Varesi, les descriptions de la nature sont magiques et le rapport homme/nature est un ressourcement, un moment de plénitude et de rapprochement, de fusion. Il y a la juste valeur des choses, la place de l’homme, de l’amitié et la condamnation de ce monde qui vit de poudre aux yeux et d’argent facile. Il met en avant l’être et refuse le paraître, condamne ce nouveau mode de vie qui se soucie davantage de la surface, de l’opinion publique que des gens.

On y retrouve – mais moins présents du fait que Soneri est bloqué dans le village isolé – Juvara, Nanetti, Angela et on fait connaissance avec  les habitants du village, plus vrais que nature, pittoresques, taiseux comme le sont les montagnards… Des personnages vrais…

Une série que j’adore : pour le Commissaire, pour le contexte, pour les paysages, pour l’humanité qu’elle dégage, pour l’Italie…

Extraits :

Tout est spectacle, tu n’as pas vu les téléphones ? Le mort s’est donné en spectacle. Aujourd’hui, on appelle ça un événement. Ce qui vient de se passer, c’est un événement. La presse et la télé vont s’y vautrer pendant des jours, et les spéculateurs politiques, se l’arracher.

Pour eux, le progrès se mesure en mètres cubes de béton. Dès qu’il s’agit de spéculer, ils sont tous d’accord.

Il commençait à se dire que la violence qui s’était exprimée contre la camionnette était une violence cachée, tapie dans les maisons et les gorges de ces montagnes.

— Vous êtes bon pour les emmerdes, vous avez du flair, constata-t-il. Vous êtes toujours là quand c’est le bordel.
— Vous pensiez que les flics se déplacent pour les baptêmes et pour les communions ?

Moi, j’appartiens à ces forêts, et eux, ils considèrent que la forêt leur appartient. Toute la différence est là, dit l’homme en souriant tristement. Ils sont stupides, parce que le développement, comme ils l’appellent, eux et les politiciens, c’est leur condamnation.

ce bled est aussi indéchiffrable qu’une inscription étrusque. Tout m’échappe.

— Au moins, il sera mort avec cette illusion. L’important, c’est qu’il y ait cru. Le désenchantement lui sera épargné.

Au village, tout ce qui n’est pas profit n’est pas bien vu.

— Ce village mutique est hostile à tout, marmonna-t-il quelques instants plus tard en admirant le vaste espace de la vallée et le mur d’arbres à l’arrière-plan, telle une chevelure ondulée qui aurait blanchi sans prévenir.

Tout est là, dans cette chose très simple : si vous ne croyez pas en l’autre, si les autres n’existent que par intérêt, alors le monde se brisera en mille morceaux. Et chacun d’entre nous ne sera qu’un débris de terre cuite, dépareillé et inutile.

Isoler un prêtre, c’est comme retirer l’eau à un poisson.

L’italien possède une chose que les Anglais ont du mal à comprendre : la nuance. Il faut toujours essayer de comprendre ce qui se cache derrière les mots.

— Naître et grandir avec les autres, et seulement s’il y a de l’espace. C’est l’homme qui le lui donne, mais c’est l’arbre qui fait sa vie.

L’argent éloigne de la valeur des choses, c’est le début de la ruine

en Italie, il suffit de sauver la forme pour que tout soit possible. Vous avez la bureaucratie la plus désordonnée et les contrôles les plus superficiels que je connaisse. Vous ne voulez pas aller au fond des choses, vous ne voulez pas déranger les puissants.

— Les idées se font tellement rares que j’ai l’impression d’être un petit musée où il n’en reste que quelques exemplaires. De temps en temps quelques échanges, comme entre collectionneurs.

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