Portes, Jean-Christophe « L’espion des Tuileries » (2018)

Portes, Jean-Christophe « L’espion des Tuileries » (2018)

Auteur : Français, né à Rueil-Malmaison, le 21.03.1966,  Jean-Christophe Portes est journaliste et réalisateur. Il a fait des études à l’Ecole Nationale de Arts Décoratifs. Auteur d’une trentaine de documentaires d’investigation, de société ou d’histoire, il travaille pour les principales chaînes de télévision françaises

Romans Série Victor Dauterive : L’Affaire des corps sans tête (2015) – L’Affaire de l’Homme à l’Escarpin (2016) – La Disparue de Saint-Maur (2017) –  L’espion des Tuileries (2018) – La trahison des Jacobins (2019)  Autres : Les Enfants du dernier salut (2017), Les experts du crime, Jean-Christophe Portes (2018) – Minuit dans le jardin du manoir (2019) –

Les enquêtes de Victor Dauterive dans la France révolutionnaire : tome 4

Présentation de la série )

City éditions 14.11.2018 – 392 pages

Résumé : 1792. La guerre entre la France et l’Autriche vient d’éclater. C’est dans ce contexte très explosif que le gendarme Victor Dauterive est chargé d’une délicate mission : escorter un convoi transportant la paye de l’armée, une petite fortune de 500 000 livres.
L’affaire tourne au désastre quand le convoi est brutalement attaqué et dévalisé. Dauterive se lance sur les traces des voleurs qui sèment des cadavres dans leur fuite. La piste le conduit jusqu’aux Tuileries, au cœur du chaudron révolutionnaire.
Le palais, infesté d’espions, est le centre de toutes les convoitises et de tous les complots. Des bas-fonds de la ville au sommet de l’Etat, entre révolutionnaires et partisans du roi, le jeune officier va devoir choisir son camp dans un jeu qui pourrait bien devenir mortel…

Mon avis : Mais que je suis contente (oui je me répète !) d’avoir croisé Victor Dauterive ; la preuve ? en six mois, j’ai lu les 4 premiers de la série. Je tiens une fois encore à insister sur l’importance des notes qui figurent à la fin du livre. Cette fois-ci, je pense que j’aurais dû les lire avant de lire le roman pour me remettre dasn le contexte historique avant de lire le roman. C’est je pense ce que je vais faire pour le suivant !
La période est tourmentée, c’est le moins qu’on puisse dire. C’est magouille et compagnie. Plus les pages se tournent et plus Victor devient le personnage central. C’est ce que j’espérais depuis le début. Et le petit Joseph est toujours de la partie… bien qu’il lui arrive des aventures qui l’écartent un peu de l’intrigue… Pendant tout le récit, Dauterive va devoir courir pour sauver sa peau. Toujours fidèle à La Fayette, ce qui est loin d’être sans danger car ce dernier est loin d’être populaire. Dauterive s’étoffe et les traits de son caractère s’affirment. Encore quelques tomes et il deviendra le tombeur de ces dames… Une fois qu’il aura accepté ses deux personnalités, il pourra réunir les deux pans de sa personnalité, à la fois policier et noble, comme d’autres que j’aime bien, le Marquis de Ranreuil et le chevalier de Volnay pour les nommer… Il gagne en sensibilité, et son rapport avec le petit Joseph devient de plus en plus un rapport d’amitié, voire un rapport père-fils.
Toujours mon petit coup de cœur pour l’intrigue du précédent, mais la Disparue de Saint-Maur m’a davantage touchée que Marie-Anne, la jeune femme de ce roman. Et merci d’avoir une fois encore mis en lumière Olympe de Gouges…
Et une fois encore j’ai été passionnée par l’intrigue et le contexte historique, l’impression d’y être : je me suis surprise à lui donner des conseils pour qu’il sauve sa peau…
Je me réjouis de retrouver prochainement Victor et Joseph (j’espère)

Extraits 

Avec ses remparts, ses bastions et ses tours, Metz ressemblait plus à une forteresse qu’à une ville. Un cavalier n’aurait pas fait cent pas sans être arrêté par une redoute ou un pont-levis. C’était sans compter les ponts sur la Seille et la Moselle.

Après un regard surpris en direction du jeune homme, le lieutenant-colonel examina les dessins.
—        Original. La maréchaussée tire le portrait des brigands, à présent ?

Club des Cordeliers : Cette société fondée par Danton était la tribune des révolutionnaires les plus extrémistes. Certains de ses membres exigeaient même la déchéance de Louis XVI et l’instauration d’une République.

Des hommes ronflaient, et, dans cette brusque touffeur, Victor eut l’impression d’avoir franchi les fleuves infernaux, de poser le pied dans ce Tartare où erraient les âmes criminelles – c’est ce qu’il avait lu chez Homère.

Je n’en peux plus de ces jardins. La prison est verte, mais c’est une prison.

Mais si je dois être votre Hermès, souffrez que je puisse dire au moins quel dieu vous envoie.    (Dieu des messagers et des voyageurs, doté de sandales ailées.)

Le bonnet phrygien, lui dit Mercier, criant presque pour se faire entendre. C’est aussi, paraît-il, le bonnet des galériens. Les deux symboles de la liberté retrouvée !

Je ne suis pas née à l’époque de la liberté pour me taire. Celui qui m’empêchera de parler n’est pas encore né.

Place des Victoires à Paris, le très opulent hôtel de Massiac hébergeait les représentants des colons des Antilles, dont le négoce de sucre et de café était l’un des piliers de l’économie du royaume. Leur influence était telle qu’ils avaient même réussi à ne pas faire appliquer les droits de l’homme dans leurs plantations. Mais la révolte de Saint-Domingue avait ruiné leurs affaires et mis fin à cette hypocrisie. Nombre d’entre eux s’étaient alors exilés en Amérique, dans les États du Sud.

Il ajouta qu’un voleur arrêté en janvier avait eu l’honneur d’essayer le premier l’appareil à décapiter, invention d’un député qui était aussi médecin – le nouveau Code pénal mentionnait que tout condamné à mort aurait la tête tranchée. L’Assemblée avait adopté cette mesure d’humanité avec enthousiasme. Elle mettait fin aux châtiments physiques, notamment à l’abominable supplice de la roue, par lequel on brisait les quatre membres du condamné avant de l’étrangler.

À la fois Cordelier et Chevalier du poignard… Tout ça ne va pas ensemble.
—           Je suis bien d’accord. Mais ça n’en est pas moins exact.
Les Chevaliers du poignard étaient un groupe d’aristocrates qui avaient tenté de délivrer le roi, deux hivers plus tôt. Tout à l’opposé de l’échiquier politique, le club des Cordeliers rassemblait les plus grands agitateurs de Paris, tel ce fou de Marat, et réclamaient sans relâche la destitution du roi depuis son retour de Varennes.

Au fond, la Révolution n’avait quasi rien changé ; simplement, les bourgeois avaient rejoint les nobles sur le haut du pavé.

La foule se referma presque aussitôt sur lui, comme un être vivant.

J’ai longtemps pensé qu’il fallait détruire les Marat et les Robespierre. Mais les Girondins sont encore pires, les Roland, les Brissot, les Condorcet. Ces salauds-là se réunissent chez Manon Roland, reprit-il.

Une pensée très pénible lui vint alors : il comprit que jamais cette famille ne céderait sur rien. Ni la princesse, ni son frère, ni Marie-Antoinette ne renonceraient au trône, à leur droit divin. Et c’était affreux de le comprendre.
La Révolution ne se ferait pas… ou se ferait contre eux.

En attendant de les supprimer, un par un, il gardait sa haine bien au chaud, comme on cache une arme.

Les forçats pouvaient facilement s’en enfuir, mais ils n’allaient jamais bien loin. Alertée par le canon – le tonnerre de Brest – toute la population locale traquait les fuyards dans l’espoir de toucher les quatre louis d’or de récompense par évadé repris.

Mais je suis un être de chair et de sang, comme vous. Nous sommes sur la même terre et nous mangeons les mêmes fruits.
Donc, elle fréquentait probablement un club politique et connaissait Rousseau : Vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous et que la terre n’est à personne, avait écrit le philosophe quarante ans plus tôt – il connaissait le texte par cœur.

La corruption ne peut pas tout, Madame. Elle peut brouiller le jeu politique, déchaîner les enragés, effrayer les modérés… mais elle ne peut pas arrêter le cours de la Révolution. Elle ne peut arrêter tout un peuple. Vous pourrirez quelques fruits, mais vous ne pourrirez pas tout l’arbre.

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